Les autorités chinoises ont continué vendredi de renforcer les restrictions draconiennes imposées à la population du pays dans l’espoir d’endiguer la propagation du coronavirus apparu en décembre.

Le nombre de villes placées de facto en quarantaine par l’interruption des services de transport à la veille du Nouvel An chinois a été élargi pour englober plus de 40 millions de personnes, selon un décompte effectué par l’Agence France-Presse.

Wuhan, considéré comme l’épicentre de la crise, a été la première cible de ces mesures inusitées, qui suscitent inquiétude et frustration au sein de la population locale.

Joint au téléphone par La Presse à Wuhan, Ihab Alfadhel a indiqué que les résidants ont peur de manquer de nourriture. « Il y a quelques jours, c’était encore normal, mais soudainement, tout le monde est allé acheter de la nourriture en même temps et on ne pouvait pas trouver ce qu’on voulait », a confié l’étudiant irakien de 27 ans.

Pain, tomates, œufs : il espère que ses achats seront suffisants pour plusieurs jours.

Le gouverneur de la province a assuré que les approvisionnements seraient suffisants, ce qui n’a pas rassuré la population devant les supermarchés dégarnis, selon un résidant joint par le South China Morning Post.

Dehors, la ville semblait arrêtée, a dit M. Alfadhel. « Je vois peut-être deux ou trois voitures toutes les demi-heures ou heures », a-t-il témoigné de son appartement. Habituellement, la rue est beaucoup plus achalandée.

« Tout est arrêté », a-t-il ajouté. Les cours, eux, étaient déjà suspendus pour les festivités du Nouvel An chinois.

Plusieurs établissements de santé ont été pris d’assaut par des citoyens préoccupés qui veulent savoir s’ils sont porteurs du virus.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Les autorités chinoises ont entrepris de construire en accéléré un hôpital pouvant accueillir un millier de lits, à Wuhan.

Les autorités ont entrepris de construire en accéléré un hôpital pouvant accueillir un millier de lits.

Quatre cent cinquante médecins et autre personnel médical de l’Armée populaire de libération sont arrivés par avion à Wuhan pour participer à la lutte contre le virus, a annoncé samedi l’agence Chine nouvelle.

Anxiété de la population

Le British Medical Journal a prévenu vendredi dans un éditorial que le recours à une forme de quarantaine à grande échelle risquait d’augmenter fortement l’anxiété de la population et de compliquer la tâche du personnel soignant.

L’impression d’être pris au piège et privé de contrôle et la circulation accrue de rumeurs peuvent avoir un grave effet sur les résidants et pousser nombre d’entre eux à se présenter dans les établissements pour des symptômes mineurs, minant le système de santé.

Il faut évaluer si les bénéfices épidémiologiques incertains de cette forme de quarantaine de masse obligatoire sont plus importants que les coûts psychologiques incertains qui en découlent.

Extrait de l’éditorial du British Medical Journal

La mise en garde est survenue alors qu’une nouvelle étude émanant de l’Université de Lancaster, en Grande-Bretagne, mettait en garde les autorités relativement à l’explosion possible du nombre de cas à Wuhan et à l’étranger dans les prochaines semaines.

Les chercheurs – qui n’ont pas rappelé hier La Presse – ont indiqué que le nombre de personnes infectées dans la ville était sous-estimé et excédait 11 000 cas au début de la semaine, alors que le gouvernement reconnaissait officiellement quelques centaines de cas seulement. Vendredi soir, les autorités chinoises ont revu le nombre de personnes contaminées à près de 1300 et le nombre de morts, à 41.

Ils préviennent par ailleurs, en considérant les déplacements effectués dans les semaines suivant l’apparition du virus, que les restrictions actuelles sur les transports ne permettront pas de stopper sa propagation à travers la Chine et au-delà.

Les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) des États-Unis ont indiqué en conférence de presse qu’une femme de 60 ans rentrée à Chicago le 13 janvier après avoir séjourné à Wuhan avait été placée en isolement. La dame avait eu peu de contacts avec d’autres personnes depuis son retour, limitant les risques de transmission.

Vaccin

Alors que les efforts de lutte contre la propagation du virus se poursuivent, une coalition d’acteurs publics et privés a annoncé à la fin de la semaine que trois équipes de recherche distinctes qu’elle soutient entendaient travailler sur le développement d’un vaccin contre le virus.

Le directeur de la Coalition pour les innovations en préparation aux épidémies, Richard Hatchett, a dit espérer qu’il serait possible de lancer des tests cliniques sur un vaccin potentiel durant l’été de manière à pouvoir l’utiliser dans un an.

« Avoir complété le développement d’un nouveau vaccin dans un an, ce n’est pas impossible », souligne le directeur du Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval, Gary Kobinger, qui participe à ces efforts de recherche.

« Le gros défi, c’est la vitesse », relève le microbiologiste, qui espère transposer des technologies utilisées avec succès contre d’autres virus connus pour lutter contre celui de Wuhan.

Le Dr Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste rattaché à l’Institut national de santé publique du Québec, a indiqué vendredi que le calendrier évoqué par la coalition semblait ambitieux.

« Même quand on est pressé, développer un vaccin, ça prend normalement des années », a-t-il prévenu.

Dans le cas de l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2002-2003, la propagation du virus avait été stoppée au bout de plusieurs mois sans qu’aucun vaccin soit développé, souligne-t-il.

— Avec Janie Gosselin, La Presse, et l’Agence France-Presse

Ailleurs dans le monde

Québec

Aucun cas d’infection au coronavirus n’a été détecté au Québec à ce jour. Six personnes, en provenance de Chine, ont été en observation à Québec et à Montréal. Ils présentaient des symptômes semblables à ceux que provoque le virus ayant fait au moins 41 morts en Chine – les principaux symptômes sont la fièvre, la toux et les difficultés respiratoires. Des tests ont révélé qu’aucune n’avait été atteinte par le virus. Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, s’est montré rassurant, vendredi. Aucun cas n’a été répertorié ailleurs au Canada.

France

Trois cas d’infection au coronavirus apparu en Chine ont été détectés en France. Deux premiers cas ont d’abord été confirmés vendredi dans la journée, et une troisième personne, qui était en observation, s’est ajoutée à la liste plus tard dans la journée. Les trois personnes ont séjourné en Chine récemment. Elles sont hospitalisées à Bordeaux et à Paris, avec des mesures d’isolement. « Toutes les personnes ayant été en contact étroit avec ces patients sont en cours de recensement », a indiqué le ministère des Solidarités et de la Santé sur son site.

Australie

Un premier cas du coronavirus apparu en Chine a été confirmé samedi en Australie. Le patient, un homme sur lequel aucun autre détail n’a été divulgué, a rallié Melbourne il y a une semaine en provenance de la ville de Wuhan, ont indiqué les autorités australiennes. Selon Brendan Murphy, responsable de la Santé publique pour le gouvernement australien, les autorités de l’État de Victoria ont suivi « strictement les protocoles, y compris la mise à l’isolement de la personne affectée ».

— Janie Gosselin, La Presse, avec La Presse canadienne et l’Agence France-Presse