(Hong Kong) L’ensemble des députés prodémocratie de Hong Kong ont annoncé mercredi leur prochaine démission après l’éviction de quatre d’entre eux en vertu d’une mesure adoptée par Pékin, ce qui laisserait presque entièrement le parlement aux mains de parlementaires alignés sur la Chine.

Ces démissions sont le dernier coup porté au camp prodémocratie qui fait l’objet d’attaques incessantes depuis que Pékin a imposé fin juin une loi sur la sécurité nationale. De nombreux militants ont depuis été arrêtés alors que d’autres ont choisi l’exil.  

« Nous, (membres) du camp prodémocratie, nous tiendrons aux côtés de nos collègues qui sont exclus. Nous démissionnerons en masse », a déclaré Wu Chi-wai, à la tête des quinze législateurs prodémocratie demeurant au Parlement local.

Mercredi matin, quatre députés prodémocratie de Hong Kong ont été démis de leur mandat après l’autorisation accordée aux autorités locales, par l’un des principaux comités législatifs de Chine, de révoquer tout législateur considéré comme une menace pour la sécurité nationale sans même passer devant un tribunal.

Cette décision a été immédiatement condamnée par le gouvernement britannique, qui y voit « une nouvelle attaque contre le haut degré d’autonomie et les libertés de Hong Kong », a déclaré dans un communiqué le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Raab.

Le gouvernement allemand, « profondément inquiet », a fustigé « la poursuite d’une tendance à saper le pluralisme et la liberté d’expression » dans l’ex-colonie britannique.

Le directeur d’Amnistie internationale pour la région Asie-Pacifique, Yamini Mishra, a déploré « un nouvel exemple de la campagne du gouvernement central chinois pour museler les dissidents de la ville par tous les moyens ».

Washington menace Pékin de sanctions

Les États-Unis ont de leur côté menacé la Chine de nouvelles sanctions pour avoir selon eux « violé de manière flagrante » l’autonomie de l’ex-colonie britannique. Lundi, Washington avait déjà imposé des sanctions à quatre responsables supplémentaires accusés d’y avoir restreint les libertés.

La question de Hong Kong est au cœur de la dure confrontation aux accents de guerre froide entre les États-Unis et la Chine. Le président américain Donald Trump a mis fin au statut commercial préférentiel dont bénéficiait le territoire pour protester contre la loi chinoise sur la sécurité nationale.

Le Conseil législatif (LegCo, le Parlement local) compte 70 membres désignés selon un système alambiqué qui garantit presque à coup sûr une majorité au bloc pro-Pékin.

Seuls 35 sont en effet élus au suffrage universel direct, offrant une rare occasion aux 7,5 millions d’habitants d’exprimer leur opinion à travers les urnes.  

Les autres législateurs sont principalement désignés par des groupes socioprofessionnels acquis à la Chine continentale. La démission des prodémocraties laissera presque entièrement le LegCo aux mains de députés alignés sur Pékin.  

« Si le respect des procédures, la protection des systèmes et des fonctions et la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme entraînaient une exclusion, ce serait un honneur pour moi », a déclaré mercredi à la presse Dennis Kwok, l’un des quatre députés exclus.

« Constitutionnelles et légales »

De son côté, la cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam a soutenu que ces exclusions sont « constitutionnelles, légales, raisonnables et nécessaires ».

Les quatre élus exclus faisaient partie des 12 candidatures aux législatives hongkongaises invalidées fin juillet.

Ces élections, qui devaient se dérouler le 6 septembre, avaient finalement été reportées d’un an pour cause de coronavirus.  

Pékin a imposé fin juin cette loi sur la sécurité nationale, décrite par les dirigeants chinois comme « une épée » suspendue au-dessus de la tête de ses détracteurs.  

Cette législation, destinée à mettre fin à des mois de manifestations monstres et souvent violentes qui ont secoué le territoire l’an passé, a contribué à renforcer considérablement l’emprise du pouvoir central chinois sur Hong Kong.

Nombre de militants pour la démocratie dénoncent un texte liberticide.  

L’impossibilité pour les Hongkongais d’élire leurs dirigeants ainsi que l’ensemble de leurs députés était au cœur de leur mouvement de contestation.  

Plus de 10 000 personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations et les tribunaux croulent sous le nombre d’affaires à juger, la plupart concernant des députés de l’opposition ainsi que des figures du mouvement prodémocratie.

Selon les détracteurs de la loi sur la sécurité nationale, qui a été adoptée en contournant le LegCo, elle porte un coup fatal au principe « Un pays, deux systèmes », au cœur de l’accord de rétrocession de Hong Kong à la Chine par le Royaume-Uni, et qui était censé garantir jusqu’en 2047 des libertés inconnues en Chine continentale.