Comment se débarrasser de plus d’un million de mètres cubes d’eau contaminée par des substances radioactives ? La réponse n’est pas simple. C’est le problème auquel fait face le Japon, qui a annoncé son intention de « relâcher » dans le Pacifique l’eau contaminée qui s’accumule à la centrale de Fukushima. Une opération qui suscite de vives réactions.

Fukushima ? Ce n’est pas là qu’il s’est produit un accident nucléaire ?

En effet, et ce n’était pas un banal accident. Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter a frappé le nord-est du Japon et provoqué un immense tsunami qui a frappé les côtes. La centrale de Fukushima Daiichi a été complètement inondée par une vague de 15 mètres, qui a été suivie d’une série d’explosions dans les jours suivants. Quatre des six réacteurs nucléaires ont été endommagés. La catastrophe a été classée au niveau 7, le plus élevé, sur l’Échelle internationale des évènements nucléaires. Seul l’accident de Tchernobyl, en 1986, avait été précédemment classé au niveau 7.

La centrale est-elle encore en service ?

Non. Mais il faudra attendre au moins 2040 avant que les installations ne soient complètement fermées de façon sécuritaire. Les travaux de réparation et de décontamination sont complexes, d’autant plus qu’avant le tsunami, la centrale de Fukushima Daiichi était l’une des plus importantes au monde.

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Des employés travaillent près des réservoirs de stockage d’eau radioactive à la centrale nucléaire de Fukushima.

Pourquoi y a-t-il autant d’eau contaminée ?

Cette eau a notamment été utilisée pour refroidir les installations après l’accident. L’eau qui s’est accumulée après l’inondation et l’eau de pluie qui s’ajoute régulièrement sur le site compliquent le portrait. Toute cette eau a été stockée dans des réservoirs de 10 mètres de haut. À ce jour, on dénombre 1044 réservoirs. Mais le temps commence à presser, puisque la capacité maximale de stockage pourrait être atteinte en 2022.

Relâcher toute cette eau dans l’océan, est-ce la seule option ?

Il y en a d’autres, mais selon les experts consultés par le gouvernement japonais, c’est l’avenue « la plus réaliste ». L’opération, qui pourrait commencer en 2022, pourrait cependant prendre elle aussi des décennies avant d’être terminée.

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Des écologistes sud-coréens ont organisé un rassemblement contre le projet de rejet d’eau radioactive du Japon lundi, à Séoul, en Corée du Sud. On peut lire sur les pancartes « Abandonnez le plan de rejet des eaux contaminées de Fukushima ».

Quelles sont les autres possibilités ?

La construction d’autres réservoirs pour stocker l’eau contaminée a été envisagée, mais elle ne constitue pas une solution viable à long terme. L’opérateur de la centrale, la Tokyo Electric Power, a dû installer des centaines de réservoirs supplémentaires depuis la catastrophe de 2011. Une autre option serait l’évaporation de l’eau dans l’air, mais la quantité importante de liquide rend une telle opération plus difficile à réaliser.

L’océan semble donc la moins mauvaise des solutions. Quels sont les risques ?

L’eau contaminée a été filtrée pour éliminer le maximum de substances radioactives, mais selon les autorités, on y retrouve toujours du tritium, l’un des isotopes de l’hydrogène. Autant dire qu’il sera pratiquement impossible de séparer le tritium de l’eau. Les risques posés par le tritium sont relativement faibles. La filtration devrait également avoir diminué de façon importante la concentration de deux autres isotopes, le strontium 90 et l’iode 129, sans les éliminer complètement, ce qui inquiète certains scientifiques. Mais la majorité des experts semblent d’accord : cette solution serait la plus réaliste.

Y a-t-il des opposants ?

Greenpeace a publié récemment un rapport indiquant que l’eau relâchée pourrait contenir un niveau élevé de carbone 14, un isotope radioactif ayant le potentiel de modifier l’ADN humain. L’organisation environnementale affirme que le gouvernement japonais veut faire croire que l’eau ne contiendrait que du tritium. De leur côté, les pêcheurs japonais sont d’avis qu’une telle décision ne ferait qu’empirer leur situation. Depuis 2011, ils ont été durement touchés par la catastrophe, qui a provoqué une importante diminution de leurs ventes. Si le Japon allait de l’avant comme prévu, les pêcheurs pourraient avoir de la difficulté à s’en remettre. Selon eux, que le risque de contamination soit réel ou non, les consommateurs risquent fort de ne plus vouloir acheter leurs poissons.