(Taipei) Un haut responsable américain est arrivé jeudi après-midi à Taïwan, une visite qui a suscité la colère de Pékin, accusant Washington d’« encourager » ainsi l’indépendance de l’île.

Le sous-secrétaire d’État pour la croissance économique, l’énergie et l’environnement, Keith Krach, doit prendre part samedi à une cérémonie en hommage au défunt président Lee Teng-hui, a annoncé la diplomatie américaine.

La venue du plus éminent responsable du Département d’État à se rendre sur l’île en quarante ans a suscité l’ire de Pékin.  

Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a dénoncé jeudi une visite qui « va encourager les partisans de l’indépendance de Taïwan dans leur arrogance et leur insolence ».  

Pékin condamne tout geste de nature à donner une légitimité au gouvernement de l’île que la Chine considère comme une province rebelle appelée à rentrer dans son giron, et si nécessaire par la force.

D’autant que ce voyage intervient dans un contexte de tensions sino-américaines croissantes sur tout un tas de sujets, du dossier hongkongais aux questions commerciales, en passant par le coronavirus.

« Les États-Unis rendent hommage au legs du président Lee en perpétuant nos liens forts avec Taïwan et sa démocratie vibrante, à travers des valeurs économiques et politiques partagées », a ajouté le département d’État dans un communiqué.

Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a précisé que M. Krach, qui sera accompagné du secrétaire adjoint du Bureau pour la démocratie, les droits de l’Homme et le Travail Robert Destro, discutera aussi des moyens de « renforcer la coopération économique bilatérale » au cours de sa visite de trois jours.

Dîner avec la présidente

Taipei a présenté M. Krach comme le plus haut responsable du Département d’État à se rendre sur l’île depuis 1979, année où les États-Unis avaient rompu leurs relations diplomatiques avec Taipei afin de reconnaître le gouvernement communiste basé à Pékin comme le seul représentant de la Chine.

Ils restent toutefois, avec une certaine ambiguïté, l’allié le plus puissant du territoire insulaire et son principal fournisseur d’armes.

La présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, bête noire de Pékin, recevra vendredi la délégation américaine lors d’un dîner.

« Nous sommes impatients des échanges et discussions que Taïwan et les États-Unis auront pour consolider au travers de la visite du sous-secrétaire Krach les fondations en vue d’autres collaborations, et notamment de coopérations économiques », a indiqué son bureau dans un communiqué.  

Ce voyage intervient à peine plus d’un mois après la visite du ministre américain de la Santé Alex Azar sur l’île pour souligner la gestion taïwanaise de la pandémie de COVID-19, globalement saluée sur la scène internationale.

La Chine avait alors mis en garde Washington, rappelant l’opposition de son pays à tout contact officiel entre Washington et Taipei « sous quelque prétexte que ce soit ».

Alex Azar était le responsable américain de plus haut rang à s’être rendu à Taïwan depuis 1979.

Jeudi, le ministère des Affaires étrangères taïwanais a confirmé qu’une rencontre exceptionnelle avait eu lieu la veille entre James Lee, son haut représentant à New York, et l’ambassadeur l’ambassadrice américaine à l’ONU, Kelly Craft.  

Incursions-

Depuis l’élection en 2016 de la présidente Tsai, Pékin n’a pas cessé d’intensifier les pressions diplomatique, économique et militaire sur Taïwan.  

Ces dernières semaines, l’île a fait état d’une forte augmentation du nombre de vols d’avions de l’armée de l’air chinoise qui ont pénétré dans sa zone d’identification de défense aérienne (ADIZ).

Jeudi, le ministère taïwanais de la Défense a affirmé que deux avions chinois de lutte anti-sous-marine avaient franchi la frontière mercredi et reçu l’ordre de partir.  

L’île de 23 millions d’habitants et le continent sont gouvernés séparément depuis 1949 et la fuite à Taïwan des nationalistes du Kuomintang (KMT), alors que les communistes de Mao Tsé-toung prenaient le pouvoir à Pékin.

Les deux États revendiquent depuis, du moins en théorie, leur souveraineté sur l’ensemble chinois – le nom officiel de Taïwan reste « République de Chine », sous lequel l’île est reconnue par une poignée de gouvernements.

Après 70 ans de séparation, une part croissante des Taïwanais ne ressent toutefois plus de liens avec le continent. Pékin menace de prendre l’île par la force, notamment en cas de déclaration d’indépendance à Taïpei.

Une indépendance dont le régime communiste accuse Lee Teng-hui d’avoir fait le lit. Le quotidien nationaliste Global Times a récemment qualifié M. Lee de « parrain du séparatisme taïwanais ».