La Chine ne pliera pas. Les relations entre le Canada et la Chine s’envenimeront tant et aussi longtemps que le Canada ne libérera pas la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou. Et pas question pour Pékin de libérer, en échange, les deux Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, a maintenu l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, lors d’un entretien exclusif avec La Presse.

« Si Ottawa libère Mme Meng, Pékin libérera-t-il les deux Michael ? » La question est posée dans la cour arrière de la somptueuse demeure diplomatique chinoise, sise au pied du mont Royal, à Westmount. Autour de la table, une équipe de La Presse devant l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, accompagné du consul général adjoint, Zhang Hang, du conseiller Hu Lihua et du premier secrétaire, Xie Baoming.

« C’est la question qui revient le plus souvent depuis que je travaille ici, et je comprends que vous êtes préoccupés », répond l’ambassadeur Cong, en poste au pays depuis un peu plus d’un an.

Après un long préambule sur 50 ans de relations diplomatiques respectueuses entre les deux pays depuis 1970, M. Cong laisse savoir que le Canada a commis un faux pas inacceptable aux yeux de la Chine en devenant « complice des États-Unis » dans l’arrestation de Mme Meng, interpellée sur le sol canadien en décembre 2018, à la demande de Washington.

Ce qui est arrivé il y a un an et demi, la détention de Mme Meng, a envoyé le mauvais signal. C’est un obstacle majeur [à une bonne relation] et nous aimerions que le Canada prenne la bonne décision pour rétablir la situation le plus tôt possible.

Cong Peiwu, ambassadeur de la Chine au Canada

La seule façon de retrouver une relation bilatérale saine est que le Canada consente à libérer la dirigeante de Huawei détenue à Vancouver, a déclaré sans équivoque l’ambassadeur Cong Peiwu, lors de l’entretien accordé à une équipe de La Presse plus tôt cette semaine.

« C’est l’obstacle principal à une saine relation entre nous », a-t-il invoqué.

Après le chantage, la menace

Quelques jours après l’arrestation de la numéro deux du géant des télécommunications Huawei, l’ancien diplomate Michael Kovrig et l’entrepreneur Michael Spavor ont été arrêtés à Pékin en décembre 2018 et formellement accusés d’espionnage six mois plus tard. Des représailles évidentes, aux yeux d’Ottawa, au cas de Mme Meng. À la fin août, Pékin a très clairement laissé entendre que c’était à Ottawa de faire les premiers pas, refusant du même coup de libérer les deux Canadiens détenus en Chine.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Une équipe de La Presse a rencontré l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu (à gauche), et son équipe.

Plus tôt cet été, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a déclaré que le gouvernement chinois serait peut-être enclin à libérer les deux Michael si Meng Wanzhou recouvrait sa liberté. « Cela pourrait laisser la place à une résolution de la situation des deux Canadiens », avait-il signifié à La Presse en juin dernier.

Or, le discours du diplomate rencontré cette semaine ne laissait place à aucun espoir : « La nature de leur détention est complètement différente et on doit séparer les enjeux », a-t-il dit.

Mme Meng est détenue arbitrairement par le Canada sans avoir contrevenu à la loi et les Canadiens sont suspectés d’avoir été impliqués dans de l’activisme mettant en péril la sécurité nationale de la Chine.

Cong Peiwu

Non seulement la position de la Chine est inébranlable, mais le Canada n’aurait pas intérêt à lui imposer des sanctions pour faciliter la libération des deux Michael, met en garde l’ambassadeur.

« Ça serait considéré comme une intervention très sérieuse sur notre gestion intérieure et un manque de respect qui aurait un impact très négatif sur notre relation, menace-t-il, au nom de la Chine. Si le Canada impose des sanctions, il y aura des conséquences, de graves conséquences. »

Pendant que Michael Kovrig et Michael Spavor sont victimes de cette saga politico-judiciaire, leurs conditions de détention empirent selon leurs défenseurs. Depuis janvier, les deux hommes n’ont pas été autorisés à voir des fonctionnaires canadiens, ce qui contrevient, selon Ottawa, à la Convention de Vienne sur les relations consulaires.

M. Cong assure qu’ils sont traités « correctement » et a mis la suspension de ces visites sur le compte de la COVID-19. Il a précisé que les détenus avaient par ailleurs reçu une attention particulière pour faire face à la pandémie : ils ont reçu des fruits pour renforcer leur système immunitaire.