(Taipei) La Chine cherche à faire du territoire démocratique qu’est Taïwan « le prochain Hong Kong », a accusé mardi le ministre taïwanais des Affaires étrangères Joseph Wu après son entretien avec un haut responsable américain en visite.

À Hong Kong, la répression de la dissidence s’est intensifiée depuis l’entrée en vigueur fin juin de la loi draconienne sur la sécurité nationale imposée par Pékin.  

De nombreux militants prodémocratie ont été arrêtés, alors que des candidats aux législatives appartenant à l’opposition ont été disqualifiés.

Cette reprise en main musclée de la Chine sur le territoire semi-autonome suscite l’inquiétude de Taïwan, une île de 23 millions d’habitants.  

Mardi, lors d’une rencontre exceptionnelle mardi à Taipei avec Alex Azar, un haut responsable du gouvernement américain, le ministre des Affaires étrangères a affirmé que Taïwan vivait sous la menace constante de voir ses libertés menacées par Pékin.

« Notre vie quotidienne est de plus en plus difficile alors que la Chine continue de faire pression sur Taïwan pour que nous acceptions ses conditions politiques, des conditions qui feront de Taïwan le prochain Hong Kong », a déclaré M. Wu.  

« Les habitants de Taïwan ne sont que trop bien habitués aux menaces, qu’elles soient militaires, diplomatiques ou épidémiques », a-t-il ajouté.

Le secrétaire américain à la Santé Alex Azar, qui effectue une visite de trois jours, est le responsable américain de plus haut rang à se rendre à Taïwan depuis 1979, année où les États-Unis avaient rompu leurs relations diplomatiques avec Taipei afin de reconnaître le gouvernement communiste basé à Pékin comme le seul représentant de la Chine.

Pékin, qui considère toujours Taïwan comme une province rebelle appelée à revenir dans son giron par la force si nécessaire, a condamné cette visite du responsable américain à Taipei.

Un principe rejeté

Depuis l’élection en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, réélue pour un second mandat en janvier, la Chine a accru la pression diplomatique, militaire et économique sur Taïwan.  

Mme Tsai rejette le principe défendu par Pékin de l’unité de l’île et du continent au sein d’une même Chine, et considère que Taïwan est « déjà un pays indépendant ».

La Chine a proposé d’appliquer à l’île le principe « un pays, deux systèmes » entré en vigueur à Hong Kong après la restitution de 1997 et censé lui garantir pendant 50 ans une certaine autonomie.

Si l’ensemble des grands partis taïwanais ont rejeté cette proposition, la mainmise grandissante de Pékin sur Hong Kong semble avoir définitivement mis fin au peu d’intérêt qu’elle suscitait.

Ce voyage intervient dans un contexte de tensions sino-américaines croissantes sur nombre de sujets, du dossier hongkongais aux questions commerciales, en passant par le coronavirus.

Lundi, le ministère taïwanais de la Défense a affirmé que des chasseurs chinois avaient fait une brève incursion au-delà de la ligne médiane du Detroit de Taïwan que Taipei et Pékin considèrent de longue date comme leur « frontière ».

Au cours de sa visite, M. Azar a fait l’éloge de la démocratie taïwanaise et de sa politique en matière de lutte contre le coronavirus.

Il a notamment critiqué l’attitude de la Chine face à la pandémie apparue sur son territoire, ainsi que son autoritarisme.

« Le parti communiste chinois aurait pu avertir le monde et travailler avec le monde afin de combattre le virus », a déclaré M. Azar dans un discours. « Mais ils ont choisi de ne pas le faire et le coût de cette attitude s’accroît de jour en jour ».  

« Je crois qu’il n’est pas exagéré de dire que si le virus était apparu dans un endroit comme Taïwan ou les États-Unis, il aurait été neutralisé facilement », a-t-il ajouté.  

« Au lieu de cela, Pékin a répugné à partager l’information, a réduit au silence les médecins qui voulaient s’exprimer et a entravé les capacités de réponse mondiales ».  

Taïwan a enregistré moins de 500 cas de coronavirus et seulement sept décès.

Les détracteurs du président américain Donald Trump l’accusent de durcir le ton contre Pékin pour mieux faire oublier les errements de son administration dans le combat contre la COVID-19, à trois mois de la présidentielle.