(Hong Kong) Le barreau de Hong Kong s’est dit « profondément préoccupé » par la loi sur la sécurité imposée par Pékin, en pointant une formulation très vague de nature à saper l’indépendance de la justice dans l’ex-colonie britannique.

Pékin a promulgué mardi soir un texte très controversé que ses détracteurs présentent comme le dernier clou sur le cercueil de la semi-autonomie hongkongaise et du principe « Un pays, deux systèmes ».

Hong Kong jouit sur le papier depuis sa rétrocession en 1997 par Londres de libertés inconnues dans le reste de la Chine, comme une justice indépendante et la liberté de la presse et d’opinion.

« Le barreau de Hong Kong est profondément préoccupé par le contenu de la LSN (Loi sur la sécurité nationale) et la façon dont elle a été mise en œuvre », indique l’organisation dans un communiqué diffusé mercredi soir.

Cette loi réprimant la sécession, la subversion, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures, considérée comme une réponse aux manifestations de 2019, a été adoptée moins de six semaines après son annonce.

Son contenu n’a été connu que mardi soir, et nombre de juristes jugent la loi plus draconienne que prévu, et pas uniquement pour les habitants de la ville.

Dans une analyse de cinq pages, le barreau de Hong Kong observe que les infractions y sont très vaguement définies, qu’elles « peuvent être utilisées de façon arbitraire et d’une façon qui empiète de façon disproportionnée sur les droits fondamentaux, parmi lesquels la liberté de conscience, d’expresion et de rassemblement ».

« Absence totale de consultation »

« En plus de l’absence totale de consultations dignes de ce nom, les avocats, les juges, les policiers et les habitants de Hong Kong n’ont pas eu le temps de se familiariser avec le contenu de la nouvelle loi, et notamment les crimes graves qu’elle crée, avant son entrée en vigueur », peut-on lire dans cette analyse.  

La police hongkongaise a procédé mercredi aux premières arrestations en vertu de ce texte qui rend la justice chinoise compétente pour certains crimes.

Parmi les 370 personnes arrêtées mercredi, dix l’ont été pour violation présumée de la loi sur la sécurité nationale, tandis que des milliers de Hongkongais se rassemblaient à l’occasion du 23e anniversaire de la rétrocession.

Les critiques du nouveau texte dénoncent notamment le fait que la Chine aura juridiction sur certaines affaires tombant sous le coup de la loi, ce qui ira à l’encontre de l’idée d’un territoire souverain d’un point de vue judiciaire, et que les policiers chinois pourront opérer sur le sol hongkongais, ce qui sera une première.

Une des sources d’inquiétude est le fait que la loi couvrira des infractions à la sécurité nationale commises à l’étranger, y compris par les étrangers.

La loi stipule selon le barreau que « des suspects peuvent être traduits devant la justice de Chine continentale » dans le cadre d’une procédure qui ne respecte pas les standards internationaux gouvernant les extraditions.

Le barreau s’inquiète aussi de ce que les agents chinois opérant à Hong Kong soient « au-dessus de la loi locale » et estime que le fait de permettre à la cheffe de l’exécutif local de nommer les magistrats compétents sur les affaires de sécurité nationale sapera également l’indépendance de la justice hongkongaise.

Autres inquiétudes : les pouvoirs de surveillance élargis accordés à la police, notamment en matière d’écoutes, sans supervision judiciaire, la possibilité de procès à huis clos, ou encore le fait que Pékin ait le dernier mot quant à l’interprétation du texte.