Depuis plus d’un an, le torchon brûle entre les manifestants prodémocratie de Hong Kong et le gouvernement de Pékin. La nouvelle mesure sur la sécurité nationale, adoptée jeudi par le Parlement chinois, vient attiser de nouveau les tensions. La situation en quatre questions.

Qu’est-ce que le Parlement a adopté ?

La nouvelle mesure doit conduire à une loi pour « empêcher, stopper et réprimer toute action qui menace gravement la sécurité nationale, comme le séparatisme, la subversion, la préparation ou la commission d’activités terroristes, ainsi que les activités de forces étrangères qui constituent une ingérence dans les affaires » de Hong Kong, selon le projet adopté presque à l’unanimité jeudi par l’Assemblée nationale populaire, l’organe législatif contrôlé par le Parti communiste chinois. La loi devrait ensuite entrer dans la mini-constitution de Hong Kong. La mesure permet de contourner le vote du Conseil législatif local, formé d’élus et qui adopte normalement les projets de loi pour la région administrative.

Quelles seront les conséquences pour les Hongkongais ?

La loi pourrait signer la fin du principe d’« un pays, deux systèmes », qui régit depuis 1997 l’ex-colonie britannique. « L’introduction de la loi proposée sera un désastre pour Hong Kong et son peuple », répond sans détour dans un courriel Leo K. Shin, responsable de la Hong Kong Studies Initiative à l’Université de la Colombie-Britannique. La mesure vise à freiner les dissidents du régime chinois, qui manifestent depuis février 2019 – et à contenir une possible étendue du mouvement en Chine continentale –, « mais ironiquement, elle va apporter encore plus de tensions », estime M. Shin. Des milliers de personnes ont déjà manifesté contre le projet de loi. Si la loi vise les menaces graves contre la sécurité nationale, des experts craignent son application contre des manifestants pacifiques. « C’est un danger », note Gordon Houlden, directeur de l’Institut Chine à l’Université de l’Alberta.

Comment réagit la communauté internationale ?

Dans une déclaration écrite commune, les responsables des Affaires étrangères au Canada, en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont fait savoir leur « profonde inquiétude quant à la décision de Pékin d’imposer une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong ». La loi en question « limiterait les libertés de la population de Hong Kong et éroderait ainsi de manière dramatique l’autonomie et le système qui l’ont rendu si prospère », estiment-ils. Selon eux, ce texte ouvre la voie à des « poursuites pour raisons politiques ». Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, avait mis la Chine en garde mercredi, avertissant que Hong Kong ne pourrait plus bénéficier de privilèges commerciaux avec les États-Unis. Des représailles économiques pourraient faire du tort à l’économie de Hong Kong et de la Chine, estime Gordon Houlden. Il juge cependant la Chine de Xi Jinping assez puissante. « Les conséquences pour les gens de Hong Kong seront graves, les États-Unis n’ont pas la capacité d’empêcher les Chinois de faire ce qu’ils veulent avec Hong Kong. »

Pourquoi avoir adopté cette mesure maintenant ?

Leo K. Shin, qui a lui-même grandi à Hong Kong, voit trois raisons pour lesquelles la Chine a décidé d’aller de l’avant avec sa nouvelle mesure. Il cite l’« incompétence » du gouvernement actuellement en place à Hong Kong, qui « teste la patience de la Chine ». « Deuxièmement, l’émergence d’une guerre froide entre la Chine et les États-Unis change les calculs de la Chine en ce qui concerne Hong Kong, explique le professeur adjoint. Actuellement, le président de la Chine, Xi Jinping, semble penser qu’il est plus important de resserrer le contrôle sur Hong Kong que de profiter des avantages de Hong Kong comme vitrine sur le monde. » Enfin, il estime que Pékin a peut-être voulu profiter de la crise de la COVID-19, qui retient l’attention un peu partout, pour agir.

— Avec l’Agence France-Presse