(Pékin) Avertissements sans frais, éditoriaux au vitriol et justice locale désavouée : le régime chinois fait monter la pression sur Hong Kong face à la fronde sans précédent des contestataires prodémocratie de l’ex-colonie britannique.

Après cinq mois de manifestations de plus en plus violentes contre l’exécutif pro-Pékin, le pouvoir chinois n’est toujours pas parvenu à obtenir un retour au calme dans le territoire autonome.

Pékin a même enregistré un revers lundi, lorsque la Haute Cour de justice hongkongaise a invalidé l’interdiction du port de masques dans les manifestations, qui avait été décrétée le mois dernier par le gouvernement local.

Sans tarder, le régime du président chinois Xi Jinping a jugé nulle et non avenue cette décision de la justice hongkongaise.  

Seule l’Assemblée nationale populaire (ANP) a le pouvoir de décider si une loi est conforme ou non à la loi fondamentale (la mini-constitution de Hong Kong), a déclaré mardi un porte-parole du parlement chinois.

« Aucune autre institution n’a le droit de rendre un jugement ou une décision », a-t-il déclaré, alors que la Haute Cour hongkongaise avait jugé « anticonstitutionnelle » la décision de l’exécutif local, estimant qu’elle allait « au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire ».

Sa décision sur le port du masque « affaiblit gravement la gouvernance du chef de l’exécutif et du gouvernement » de Hong Kong, a déclaré Zang Tiewei, porte-parole de la commission des Lois du comité permanent de l’ANP.

Jamais respectée

M. Zang a laissé entendre que le parlement de Pékin pourrait agir formellement contre la décision de la Haute Cour hongkongaise.

« Nous examinons des avis et suggestions déposés par certains députés », a-t-il déclaré.

Pour ne pas être identifiés et éviter les poursuites judiciaires, les manifestants ont pris l’habitude de défiler avec des masques depuis le début de leur mouvement en juin.

En octobre, la cheffe de l’exécutif local, Carrie Lam, a interdit le port de masques, invoquant des dispositions d’urgence qui n’avaient plus été appliquées depuis des émeutes à la fin des années 1960.

Applaudie par Pékin, cette interdiction n’a jamais été respectée par les manifestants.

Le militant démocrate Joshua Wong a vu dans l’avertissement de Pékin le signe que le régime communiste était décidé à réinterpréter à sa guise la constitution hongkongaise.

« Quand l’État perd, il change la règle du jeu. Pékin n’est jamais disposé à se plier aux règles », a-t-il déploré sur Twitter.

Le député Dennis Kwok a averti que dépouiller les tribunaux hongkongais de leurs pouvoirs signifierait « la fin » du principe « Un pays-deux systèmes » qui a présidé à la rétrocession du territoire à la Chine en 1997.

Les tribunaux hongkongais ont à de multiples reprises statué sur la loi fondamentale depuis cette date, a-t-il fait valoir.

La Bar Association, organisme de régulation des avocats à Hong Kong, a jugé que les remarques de Pékin « sapent le haut degré d’autonomie » de la ville et « pourraient être perçues comme visant à faire pression sur le pouvoir judiciaire ».

«Pas les bras croisés»

Pékin dispose à Hong Kong d’une garnison de plusieurs milliers d’hommes, qui n’est pas censée quitter ses casernes, mais peut être amenée à rétablir l’ordre sur demande du pouvoir local.

Armés de balais, quelques dizaines d’entre eux sont toutefois sortis « spontanément » samedi pour nettoyer sur la voie publique des dégâts laissés par des manifestants.

Le gouvernement hongkongais a indiqué n’avoir pas demandé cette intervention, une première depuis le début de la crise.

Par la voix de son ambassadeur à Londres, le régime chinois a averti qu’il ne resterait « pas les bras croisés » si la situation dans le territoire devenait « incontrôlable ».

La Chine a « suffisamment de détermination et de puissance pour mettre fin au soulèvement », a-t-il menacé.

Le spectre de la répression sanglante de la place Tiananmen à Pékin contre les manifestants prodémocratie de 1989 est toujours présent.  

« Alors que les jeunes contestataires sombrent dans le désespoir et que la police de Hong Kong est davantage prête à utiliser des armes mortelles, la possibilité d’une tragédie du type Tiananmen est tout à fait réelle », selon la lettre d’information spécialisée SinoInsider.