Un manifestant blessé par balle, un homme transformé en torche humaine... Hong Kong a connu lundi une des journées les plus violentes depuis le début du mouvement pro-démocratie.

La détermination des manifestants et l’intransigeance du gouvernement local face à leurs demandes alimentent une périlleuse spirale de violence à Hong Kong, où le nombre d’incidents tragiques se multiplie.

Un policier a alimenté la colère populaire en matinée lundi en tirant à bout portant à l’abdomen un jeune homme masqué qui le confrontait alors qu’il tentait de maîtriser un autre protestataire dans le nord-est de l’île de Hong Kong.

Peu de temps après, un représentant des forces de l’ordre a foncé à plusieurs reprises avec sa motocyclette sur un groupe de manifestants qui se repliaient.

Plus tard dans la journée, un quinquagénaire qui s’en prenait à des manifestants masqués a été aspergé d’essence et transformé en torche humaine.

La victime, grièvement brûlée, était toujours dans un état critique au moment de publier, à l’instar du jeune blessé par balle.

La section locale d’Amnistie internationale a critiqué lundi dans un communiqué le comportement des policiers mis en cause dans la fusillade et l’incident de la motocyclette, arguant qu’ils avaient « utilisé la force de manière irresponsable ».

Ce ne sont pas des mesures policières – ce sont des agents hors de contrôle qui ne pensent qu’à exercer des représailles.

La section locale d’Amnistie internationale

Selon le South China Morning Post, un porte-parole de la police a offert une vision différente des évènements, arguant que l’homme ayant reçu une balle à l’abdomen cherchait à s’emparer de l’arme du policier, le plaçant dans une position précaire qui justifiait son action musclée.

Il a précisé par ailleurs que le conducteur de la motocyclette avait été ciblé par un manifestant avec un marteau. L’agent a néanmoins été suspendu en attendant qu’on fasse la lumière sur les circonstances de l’incident.

PHOTO DITA ALANGKARA, ASSOCIATED PRESS

Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong

« Ennemis du peuple »

La cheffe de gouvernement, Carrie Lam, s’en est prise aux manifestants lors d’une conférence de presse en fin de journée, les qualifiant « d’ennemis du peuple ».

Elle a particulièrement critiqué l’attaque ciblant le civil brûlé, relevant qu’il s’agissait d’un geste « totalement inhumain ».

Le Global Times, un porte-voix du régime chinois, a indiqué que l’incident « barbare » témoignait du fanatisme des « émeutiers », les assimilant à des terroristes.

Kong Tsung-gan, un écrivain de Hong Kong qui participe régulièrement aux manifestations, a indiqué hier à La Presse lors d’un échange en ligne que cette attaque était attribuable à un « idiot ».

Ça ne devrait pas arriver. C’est inacceptable. Et je pense que je parle pour la majorité des manifestants lorsque je dis ça.

Kong Tsung-gan, écrivain et militant

Le résidant de l’ex-colonie britannique a critiqué du même souffle le discours de Carrie Lam, arguant que le gouvernement cherchait à « discréditer » l’ensemble du mouvement et ses demandes en faisant valoir faussement que tous les protestataires sont violents.

Demandes élargies

Les troubles ont débuté au printemps lorsque le gouvernement a tenté de faire adopter un projet de loi qui aurait permis l’extradition de résidants de Hong Kong vers la Chine continentale.

Bien qu’il ait été finalement retiré, les demandes des manifestants se sont élargies au fil des mois. Ils réclament notamment la libération sans accusation des milliers de personnes arrêtées, la tenue d’une enquête sur la violence policière et l’adoption du suffrage universel pour désigner le chef de l’exécutif.

Mme Lam, qui a reçu la semaine dernière le soutien du président chinois Xi Jinping lors d’une visite à Shanghai, a parlé lundi de « soi-disant demandes », témoignant de sa volonté de ne pas céder de terrain.

Impasse

« Il semble que les positions se durcissent de part et d’autre », relève Gina Tam, spécialiste de la Chine rattachée à l’Université de Trinity, au Texas, qui voit mal comment la crise peut se dénouer rapidement.

Le régime chinois s’entête à penser que les résidants de Hong Kong pourront être apaisés à terme avec des mesures économiques, mais ne prend pas la mesure de leur attachement aux droits de la personne ou feint de ne pas comprendre, souligne-t-elle.

Les efforts des médias étatiques chinois pour démoniser le mouvement compliquent encore plus la situation.

« C’est difficile, après avoir dit que ce sont de dangereux séparatistes, d’annoncer qu’on va répondre à leurs demandes. Le régime chinois s’est placé lui-même dans une position difficile », souligne Mme Tam.