(Séoul) Pyongyang a menacé mardi de réaliser davantage de tests d’armes après avoir tiré de nouveaux projectiles, le quatrième essai du genre en 12 jours, et a dénoncé le début d’exercices militaires entre Séoul et Washington.

Ce regain de tensions semble hypothéquer un peu plus le processus diplomatique amorcé en 2018, Pyongyang affirmant mardi que ces manœuvres, qui ont débuté lundi en Corée du Sud, étaient une « violation flagrante » des efforts de paix et reflétaient un manque de « volonté politique ».

Les exercices militaires entre les États-Unis et leur allié sud-coréen provoquent immanquablement la fureur du régime nord-coréen. Mais il est rare qu’il réalise des essais de missiles pendant ces manœuvres.

La vitesse à laquelle les autorités nord-coréennes ont communiqué après ce tir est également inhabituelle. Le régime attend généralement 24 heures pour s’exprimer.

Le Nord a tiré dans la province de Hwanghae du Sud, sur sa côte ouest, « deux projectiles soupçonnés d’être des missiles balistiques de courte portée », a affirmé dans un communiqué l’état-major interarmées (JCS) sud-coréen.

« Nous sommes contraints »

Ils ont volé à une vitesse d’au moins Mach 6,9 sur environ 450 kilomètres à une altitude maximale de 37 kilomètres pour s’abîmer de l’autre côté de la péninsule, en mer de l’Est, également connue sous le nom de mer du Japon, a poursuivi le JCS.

Cette distance est dans la moyenne de celles parcourues par les autres projectiles tirés depuis 12 jours.

Séoul a présenté la plupart d’entre eux comme des missiles balistiques de courte portée tandis que Pyongyang a parlé d’un « système de lancement multiple de fusées guidées de gros calibre ». Le Conseil de sécurité de l’ONU interdit à la Corée du Nord de tester des missiles.

Les exercices militaires annuels qui ont débuté lundi sont essentiellement des simulations sur ordinateur visant à tester la capacité du Sud à prendre le contrôle des opérations en cas de guerre.

Moins d’une heure après les tirs de Pyongyang, un responsable du ministère nord-coréen des Affaires étrangères a dénoncé ces manœuvres comme « une violation flagrante » de plusieurs accords, selon l’agence officielle KCNA.

Tous les exercices conjoints entre Séoul et Washington sont « des exercices guerriers agressifs simulant une attaque-surprise et préventive de la RPDC », a dit ce porte-parole.

« Nous sommes donc contraints de développer, tester et déployer les moyens physiques puissants essentiels à la défense nationale », a-t-il poursuivi.

« Initiative audacieuse »

Pyongyang justifie de longue date ses programmes nucléaire et balistique par la menace américaine.

Pour Jeong Young-tae, directeur de l’Institut des études nord-coréennes à Séoul, le fait que la Corée du Nord conduise des essais pendant les manœuvres est une « initiative audacieuse » qui « pourrait indiquer qu’elle est beaucoup plus confiante qu’elle ne l’était quant à ses capacités militaires ».

« Le Nord est en train de montrer, de façon très directe, qu’il prendra des mesures si les États-Unis et la Corée du Sud poursuivent ces exercices militaires annuels », a-t-il dit à l’AFP.

Vendredi, le président américain Donald Trump a relativisé l’importance des tirs nord-coréens, en expliquant même que le leader Kim Jong-un ne voulait pas le « décevoir ».

Actuellement en Asie, le secrétaire à la Défense Mark Esper a indiqué que Washington prenait les essais d’armes au sérieux. Mais « nous devons faire attention à ne pas surréagir pour tomber dans une situation où la diplomatie est bouchée ».

Exercices annulés en 2018

Après des années de montée des tensions, la péninsule a été en 2018 le théâtre d’une remarquable détente, avec trois rencontres entre MM. Trump et Kim.

À Singapour, en juin 2018 les deux hommes avaient signé un engagement vague en faveur de la « dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Leur deuxième sommet, en février à Hanoï, avait été écourté sur des désaccords profonds.  

Mais lors de leur rencontre impromptue en juin dans la Zone démilitarisée (DMZ) entre les deux Corées, ils ont convenu de reprendre le dialogue. Les discussions de travail n’ont cependant toujours pas repris.

Les experts pensent que le regain d’activités militaires sur la péninsule pourrait différer pendant plusieurs mois ces négociations.

« On ne peut attendre un dialogue constructif quand un des partenaires du dialogue est visé par des exercices simulant une guerre », a déclaré le porte-parole du ministère nord-coréen. « Nous n’avons pas besoin d’un dialogue infructueux et épuisant avec ceux qui n’ont aucun sens de la communication. »

Après le sommet de Singapour en juin 2018, Donald Trump avait annoncé la suspension des manœuvres qualifiées de « très provocatrices », reprenant à son compte la rhétorique nord-coréenne.

Et les exercices Ulchi Freedom Guardian (UFG), prévus en août 2018, avaient été annulés.

Cette année, les plus grands exercices annuels, Foal Eagle et Key Resolve, qui se déroulent normalement au printemps, ont été remplacés par des manœuvres plus petites en mars.