(Manille) Les Philippines ont interdit d’entrée dans le pays deux sénateurs américains, et menacé d’imposer l’obligation de visa aux visiteurs américains si Washington applique des sanctions contre les Philippins impliqués dans l’emprisonnement d’une figure de l’opposition.

Les sénateurs démocrates Dick Durbin (Illinois) et Patrick Leahy (Vermont) ont été interdits d’entrée aux Philippines après avoir introduit dans le budget 2020 une disposition visant à empêcher les responsables philippins impliqués dans l’emprisonnement de la sénatrice Leila de Lima d’entrer aux États-Unis, a indiqué le porte-parole de la présidence Salvador Panelo.

AFP

Patrick Leahy (assis à gauche) et Dick Durbin (à droite) lors d'une audition au Congrès en septembre 2018.

Leila de Lima, l’une des principales opposantes au président Rodrigo Duterte, dont elle dénonce la politique de lutte contre la drogue qui s’est soldée par des milliers de morts, est incarcérée depuis février 2017 sous l’accusation de trafic de drogue. L’opposante clame son innocence et accuse le président philippin de persécuter ses adversaires politiques.

«S’ils appliquent cette disposition du budget américain, nous serons contraints de demander à tous les Américains entrant dans ce pays d’obtenir un visa pour y être autorisés», a indiqué M. Panelo.

Les touristes américains, qui peuvent séjourner pendant 30 jours aux Philippines sans visa, représentent plus d’un dixième des visiteurs du pays, selon le département du Tourisme.

L’amendement des sénateurs permet aux États-Unis de refuser l’entrée dans le pays aux responsables philippins si le département d’État trouve des «informations crédibles» sur ceux impliqués dans la détention de Leila de Lima.

Dans une déclaration écrite en prison, Mme de Lima a remercié les sénateurs, soulignant que «l’impunité ne peut plus durer».

AP

Rodrigo Duterte

Elle a ajouté que sa détention était un acte de représailles pour l’enquête qu’elle a menée pendant des années sur les meurtres extrajudiciaires commis par les «escadrons de la mort» dans le cadre de la lutte anti-drogue à l’époque où le président Duterte était maire de la ville de Davao.

De nombreux Philippins ont des proches qui ont émigré aux États-Unis et sont devenus citoyens américains.

La guerre sanglante du président Duterte contre les trafiquants de drogue, soutenue par de nombreux Philippins, mais critiquée par les défenseurs des droits humains qui la considèrent comme un crime de guerre, aurait fait au moins 5500 morts, voire quatre fois plus, selon diverses estimations.