(Hong Kong) La police de Hong Kong a utilisé samedi gaz lacrymogène et canon à eau contre des milliers de manifestants prodémocratie descendus dans les rues pour une nouvelle marche non autorisée, la contestation ne montrant aucun signe de recul après quasiment cinq mois et malgré un nouvel avertissement de Pékin.

Une foule de manifestants, vêtus de noir et dont beaucoup avaient le visage masqué — ce qui a été interdit par les autorités -, a notamment déferlé sur le quartier commerçant de Causeway Bay. Des affrontements sont rapidement intervenus avec la police anti-émeutes qui a voulu les disperser et a multiplié les arrestations.

Avec des tirs soutenus de gaz lacrymogène et un canon à eau, les policiers ont pris en chasse des groupes de protestataires qui ont bloqué des rues, construit des barricades et vandalisé des commerces, faisant notamment voler en éclats les vitres du bureau de l’agence de presse étatique chinoise Chine nouvelle.

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Une femme reçoit de l'aide après avoir été aspergée par les gaz lacrymogènes.

Certains activistes ont lancé des briques et des cocktails Molotov sur les policiers ainsi qu’à des bouches de métro.

Des amateurs de rugby venus dans les bars du quartier de Wanchai regarder la finale de la Coupe du monde se sont retrouvés pris dans des nuages de gaz lacrymogènes.

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Des policiers traversent une barricade érigée par les manifestants.

Les incidents se sont ensuite déplacés dans d’autres quartiers de la ville, Mongkok et Tsim Sha Tsui.

À l’issue de l’un de ces incidents, un journaliste de l’AFP a vu environ une centaine de personnes emmenées par les policiers dans trois autocars.

Pendant les heurts, un secouriste a en outre été touché par une bombe de gaz lacrymogène qui l’a blessé au dos.

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Vendredi, la Chine avait lancé un nouvel avertissement, prévenant qu’elle ne tolérerait « aucune activité » de nature à diviser le pays ou menacer la sécurité nationale. Pékin veut « renforcer la conscience nationale et le patriotisme » à Hong Kong « par l’éducation à l’histoire et à la culture chinoises ».

« Protéger les libertés »

« Le gouvernement et la police ont ignoré et réprimé les demandes du peuple donc nous devons continuer le mouvement pour leur montrer que nous voulons toujours ce que nous réclamons », a expliqué à l’AFP un manifestant de 18 ans, Gordon Tsoi, dépourvu de masque.

« Le gouvernement [de Hong Kong] est intégralement contrôlé par le gouvernement central à présent, donc nous devons sortir pour protéger les libertés que nous méritons », a ajouté un autre manifestant, âgé de 17 ans et qui a souhaité conserver l’anonymat.

Pour ce 22e week-end d’affilée de mobilisation, la police avait autorisé un rassemblement en soirée mais rejeté une demande de marche durant l’après-midi en invoquant des craintes sécuritaires. Comme à plusieurs reprises auparavant, les manifestants ont ignoré l’interdiction.

Parmi ceux qui appelaient à manifester figurait Joshua Wong, figure du mouvement prodémocratie dont la candidature aux élections locales vient d’être invalidée.

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Joshua Wong

« L’exercice de la liberté de réunion devient de plus en plus difficile alors que la police de Hong Kong renforce sa pression depuis quelques mois. Pourtant nous ne renonçons pas à nos droits constitutionnels », a tweeté M. Wong, qualifié par les médias d’État chinois de « séparatiste » et « traître ».

Ex-colonie britannique rendue à la Chine en 1997, Hong Kong jouit de libertés inconnues en Chine continentale aux termes de sa Loi fondamentale (Constitution régionale), comme la liberté d’expression et de manifestation et une justice indépendante.  

Mais Hong Kong connaît depuis début juin des manifestations quasi quotidiennes, et de plus en plus violentes, pour dénoncer l’ingérence jugée grandissante de Pékin et exiger des réformes démocratiques.

Déjà fragilisée par la guerre commerciale entre Washington et Pékin, l’économie de cette place financière pâtit de cette longue crise politique, la pire dans le territoire depuis sa rétrocession à Pékin.

Hong Kong est entré en récession au troisième trimestre, pour la première fois depuis la crise financière de 2008, ont annoncé jeudi les autorités. Le PIB de la région semi-autonome a reculé de 3,2 % au troisième trimestre, dans la foulée d’un repli de 0,4 % lors des trois mois précédents.