Un policier a tiré hier à balle réelle sur un protestataire pour la première fois depuis le début des manifestations qui secouent l’ex-colonie britannique

L’incident, qui marque une nouvelle escalade de violence, est survenu à l’issue d’une journée chaotique ponctuée de multiples manifestations organisées pour souligner, de manière négative, le 70e anniversaire de la République populaire de Chine.

Alors que le président Xi Jinping célébrait en grande pompe l’évènement à Pékin, des dizaines de milliers de résidants de l’ex-colonie britannique sont sortis dans la rue pour dénoncer l’empiétement croissant du régime sur les droits individuels garantis par l’accord de rétrocession avec la Grande-Bretagne.

Comme c’est le cas depuis plusieurs semaines, des protestataires masqués ont croisé le fer avec les forces de l’ordre à plusieurs endroits. Plus d’une soixantaine de personnes ont été blessées et près de 200 arrestations ont été effectuées.

De nombreux commerces associés par les protestataires au gouvernement chinois ainsi que des stations de métro et des bureaux gouvernementaux ont été vandalisés.

Les policiers ont répondu dans la majorité des cas aux lancers de briques, de pierres et de cocktails Molotov avec des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles de caoutchouc.

Les évènements ont cependant pris une tournure plus dramatique dans le district de Tuen Wen, où un jeune de 18 ans a été blessé grièvement à la poitrine par un policier ayant tiré à bout portant. Il était encore dans un état critique au moment de publier.

Les vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux montrent que l’agent a ouvert le feu à l’issue d’une bataille rangée avec des protestataires masqués armés de tiges métalliques et de briques.

Il a avancé de plusieurs mètres avec l’arme dressée et s’est trouvé confronté au protestataire qui tentait de le frapper sur un bras avant d’être tiré et de basculer vers l’arrière.

Au cours d’une conférence de presse rapportée par le South China Morning Post, le commissaire de police, Stephen Lo, a indiqué que la décision de tirer à balle réelle était « légale et raisonnable » dans les circonstances.

Il a expliqué que le policier avait pris une décision en une fraction de seconde alors qu’il sentait que lui et ses collègues étaient menacés.

Une enquête demandée

Amnistie internationale, qui accusait dans un récent rapport la police d’user de méthodes « brutales » pour contrôler les manifestations, a demandé qu’une enquête soit ouverte rapidement pour faire la lumière sur l’affrontement.

Joshua Wong, une des figures les plus connues du mouvement de contestation, a déclaré sur Twitter que le policier avait ouvert le feu alors qu’il avançait vers les protestataires.

Ce n’était pas un acte défensif, mais un acte d’agression.

Joshua Wong, figure connue du mouvement de contestation

Claudia Mo, une députée prodémocratie, a indiqué hier en entrevue téléphonique avec La Presse que l’utilisation de balles réelles était « complètement inutile ».

Le geste du policier est le résultat, dit-elle, du conditionnement des forces de l’ordre, qui sont incitées à « détester » les protestataires par la rhétorique du gouvernement de Hong Kong et des autorités chinoises.

Mme Mo reproche à la cheffe du gouvernement, Carrie Lam, d’avoir utilisé la police pour tenter d’empêcher les manifestations et d’éviter tout embarras pour « son patron à Pékin », en référence à Xi Jinping.

Des élus prochinois de Hong Kong ont fustigé pour leur part le comportement des protestataires qui ont commis des actes de vandalisme et ciblé des policiers. Plus d’une vingtaine d’agents ont été blessés, selon les autorités.

Le plus important parti de ce courant a demandé à Mme Lam — qui assistait hier à Pékin aux célébrations du jour — de déclarer l’état d’urgence afin de disposer de pouvoirs élargis pour « rétablir le calme » dans l’ex-colonie.

« Ça va amplifier la colère des gens »

La crise actuelle a été déclenchée au printemps après que le gouvernement a tenté d’introduire une loi d’extradition qui aurait facilité le renvoi de Hongkongais recherchés en Chine continentale.

Mme Lam a suspendu le projet de loi et finalement annoncé début septembre son retrait formel sans réussir à calmer les protestataires, qui ont sensiblement élargi leurs revendications.

Ils demandent notamment que les 1800 personnes arrêtées jusqu’à maintenant dans le cadre des manifestations soient libérées de toute accusation, qu’une enquête indépendante sur la violence policière soit ouverte et que le gouvernement soit élu au suffrage universel.

Claudia Mo pense que la décision du policier de tirer à balle réelle sur un manifestant va aggraver la situation.

« Ça va encore amplifier la colère des gens et renforcer leur volonté de résister au gouvernement. On s’engage dans un cercle vicieux », dit-elle.