La chef du gouvernement de Hong Kong, Carrie Lam, a ouvert une boîte de Pandore au printemps en cherchant à faire adopter un projet de loi facilitant l’extradition de ressortissants de l’ex-colonie britannique vers la Chine continentale. Et rien n’indique qu’elle sait comment la refermer.

Après avoir tenté en vain d’apaiser les esprits en annonçant au début de septembre que le Conseil législatif formaliserait prochainement le retrait du projet de loi en question, la politicienne mise sur un exercice de consultation qui soulève beaucoup de scepticisme.

Lors d’une séance publique la semaine dernière, elle a été confrontée aux critiques de plusieurs citoyens furieux qui lui ont reproché sa gestion de la crise.

Coûteuse erreur

Elle a reconnu à cette occasion qu’une partie importante de la population « avait perdu confiance en elle » et était inquiète de la tournure des évènements alors que les affrontements violents entre policiers et protestataires continuent de se multiplier.

Claudia Mo, députée prodémocratie, pense que Carrie Lam a commis une grave erreur en juin dernier et qu’elle récolte aujourd’hui ce qu’elle mérite.

« Quand 1 million de Hongkongais sont descendus pour protester, elle avait une occasion en or pour reculer. Elle aurait dû dire alors qu’elle renonçait », a déclaré l’élue en entrevue avec La Presse.

Mme Lam, dénonce-t-elle, a plutôt choisi la bravade en envoyant le message à la population en général, et aux jeunes en particulier, qu’ils n’avaient pas leur mot à dire dans le processus.

« Les jeunes ont explosé », relève Mme Mo, qui voit mal aujourd’hui comment la chef de gouvernement peut faire de nouvelles concessions sans aller à l’encontre des intérêts du gouvernement chinois qui la soutient.

« Pékin souhaite qu’elle demeure ferme [face aux demandes des manifestants]. Sinon, quel message est-ce que ça enverrait à la population de la Chine continentale ? », souligne la députée.

Chip Tsao, auteur et animateur de radio connu de Hong Kong, pense que c’est une réaction émotive de la chef de gouvernement au meurtre d’une jeune Hongkongaise par un ressortissant taïwanais qui l’a amenée à présenter le projet de loi d’extradition.

Il était prévisible que la communauté d’affaires et la population en général, inquiètes des visées de Pékin, se braqueraient, mais Mme Lam « a continué aveuglément de soutenir qu’il n’y avait aucun risque pour la liberté d’expression à Hong Kong ».

La tenue de manifestations d’envergure a ensuite contribué à la création d’une impasse durable.

« Il est devenu clair qu’un recul pourrait être perçu comme une humiliation par les dirigeants chinois. Or, les dirigeants chinois prennent ce genre de chose très au sérieux », relève M. Tsao.

Anniversaire sensible

L’imminence du 70e anniversaire de la République populaire de Chine, qui survient demain, a rendu la situation encore plus délicate, indique l’analyste.

Il s’attend à ce que Pékin mise sur une sorte de guerre d’usure pour venir à bout de la contestation actuelle.

M. Tsao ne pense pas que le régime chinois, malgré les menaces proférées au cours des dernières semaines, songe véritablement à envoyer ses troupes pour rétablir le calme.

Le président chinois Xi Jinping « est sans doute tenté chaque jour de le faire, mais il sait que le monde regarde » et que le coût pour la réputation de la Chine serait trop important, dit l’animateur de radio.

Les jeunes protestataires qui défient la police dans les rues de Hong Kong sentent, selon lui, que le géant chinois a les mains liées et entendent pousser leur avantage.

Ils savent qu’il y a des gains à faire s’ils sont prêts à payer le prix.

Chip Tsao

Après avoir obtenu le retrait de la loi d’extradition, ils demandent l’abandon des poursuites contre les manifestants arrêtés ainsi que la tenue d’une enquête indépendante sur le travail de la police.

Ils réclament par ailleurs l’instauration du suffrage universel pour désigner le gouvernement de Hong Kong en relevant que Pékin avait promis de procéder en ce sens en récupérant l’ex-colonie anglaise en 1997.

Un haut responsable chinois a déclaré la semaine dernière à l’Agence France-Presse qu’il revenait à Mme Lam de gérer les manifestants.

Il a exclu du même coup toute nouvelle concession en décrivant leurs revendications comme une « forme de chantage », témoignant de la faible marge de manœuvre dont dispose la chef de gouvernement.

La répression policière ne constitue pas une solution, prévient Claudia Mo, qui se dit « extrêmement inquiète » de la spirale de violence observée dans les rues de l’ex-colonie.

« Carrie Lam a mené Hong Kong au bord du précipice et nous risquons d’y tomber » si l’impasse perdure, prévient-elle.