(Hong Kong) L’exécutif hongkongais a accédé mercredi à une demande clé des manifestants en annonçant le retrait définitif du projet de loi sur les extraditions, à l’origine du mouvement de contestation, une concession qui ne devrait toutefois pas suffire à apaiser la grogne.

Hong Kong traverse depuis juin sa pire crise politique depuis la rétrocession en 1997 à Pékin, avec des actions de protestation presque quotidiennes nées du rejet de ce texte qui, selon les manifestants, risquait d’exposer ses habitants à une justice chinoise politisée.

Après avoir suspendu l’examen du projet de loi, mais avoir refusé de totalement l’enterrer, la cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam s’y est finalement résolue mercredi, dans une reculade rare de la part de son gouvernement loyal à Pékin.

« Le gouvernement retirera officiellement le projet de loi afin de complètement apaiser les inquiétudes de la population », a déclaré Mme Lam dans une vidéo diffusée par ses services.

Ce retrait sera entériné en octobre par le Conseil législatif (LegCo), le Parlement local, quand il se réunira.

« Trop tard »

Des médias avaient dès le début de l’après-midi fait état de l’imminence d’une telle annonce. Et ces informations ont fait bondir la Bourse de Hong Kong, celle-ci espérant que le retrait du texte permettra d’en finir avec une instabilité politique qui a commencé à peser économiquement sur le grand centre financier qu’est l’ex-colonie britannique.

Mais cette décision ne devrait pas être suffisante aux yeux des manifestants qui ont, au fil de l’été, élargi leurs revendications, pour dénoncer l’érosion des libertés et les ingérences grandissantes de la Chine dans les affaires de cette région semi-autonome.

« Pas assez, trop tard », a ainsi commenté Joshua Wong, qui fut en 2014 le visage du « Mouvement des parapluies » et qui a été brièvement arrêté la semaine dernière dans le cadre d’un coup de filet contre les grandes figures de la mobilisation actuelle.

« Nous appelons aussi le monde à prendre garde à cette tactique et à ne pas se laisser tromper », a-t-il lancé. Les dirigeants de Hong Kong et Pékin « n’ont en fait rien concédé et une répression de grande ampleur se prépare. »

« Notre détermination et notre courage pour combattre pour notre liberté vont continuer » car « les Hongkongais méritent le suffrage universel et d’élire leur propre gouvernement », a-t-il ajouté.

Certaines manifestations ont dégénéré en heurts de plus en plus violents entre des radicaux jetant des briques et des cocktails Molotov et des forces de l’ordre faisant un usage massif de gaz lacrymogène et désormais de canons à eau.

Et le fossé n’a cessé de se creuser entre la population et la police.

Appel au « dialogue »

Une enquête indépendante sur ces violences commises par les forces de l’ordre est d’ailleurs une des demandes cruciales du mouvement, de même qu’une amnistie pour le millier de manifestants arrêtés ou encore l’instauration du suffrage universel direct pour l’élection du chef de l’exécutif.  

Les manifestants demandent enfin que le gouvernement retire le terme d’« émeute » qu’il utilise pour qualifier les manifestations les plus violentes.

Adoptant un ton beaucoup plus conciliant qu’à ses précédentes prises de parole, Mme Lam les a exhortés à renoncer à la violence et à participer à un « dialogue » avec le gouvernement.

« Remplaçons les conflits par les conversations et recherchons des solutions », a-t-elle dit, ajoutant vouloir mobiliser des universitaires, des conseillers et des professionnels « pour examiner de façon indépendante les problèmes profondément enracinés dans la société et conseiller le gouvernement sur des solutions ».

Mais si elle a cédé sur le projet de loi, elle a aussi réaffirmé qu’elle ne lâcherait rien sur les quatre autres demandes.

Colère

Des commentaires empreints de fureur n’ont pas tardé à fuser sur les forums utilisés par les manifestants, soulignant notamment qu’un retrait du projet de loi ne mettait pas fin aux actions de protestation.

« Cinq exigences majeures, pas une de moins. Libérez HK, la révolution maintenant », disait notamment un message largement diffusé sur l’application Telegram.dsf.

« Ils ont essayé de fermer la porte de l’écurie, mais c’est trop tard », a estimé le politologue Dixon Sing, expliquant que seule une commission d’enquête indépendante serait de nature à commencer à apaiser « le très fort sentiment de colère et d’injustice » partagé par la population et les manifestants.

Samedi a été une des journées les plus violentes depuis le début du mouvement, des contestataires allant jusqu’à incendier une énorme barricade dans le quartier de Wanchai (centre), à une centaine de mètres du QG de la police, et les forces de l’ordre pourchassant et passant à tabac des manifestants jusque dans les stations de métro.

Si elle s’est montrée conciliante dans son message, Mme Lam a aussi averti du fait que les violences plaçaient Hong Kong dans une position « vulnérable et dangereuse », une possible référence aux menaces d’interventions de Pékin.