(Hong Kong) La Chine a dénoncé mercredi des agressions « quasi-terroristes » contre ses ressortissants durant des affrontements la veille à Hong Kong, les États-Unis appelant de leur côté fermement Pékin à « respecter le haut degré d’autonomie » de l’ex-colonie britannique.

Les États-Unis, « très préoccupés » par « les mouvements paramilitaires chinois » à la frontière avec Hong Kong, restent « déterminés dans (leur) soutien à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique à Hong Kong », a dit un porte-parole de la diplomatie américaine dans une déclaration transmise à l’AFP. « Les États-Unis exhortent fermement Pékin à respecter ses engagements contenus dans la déclaration conjointe sino-britannique afin de permettre à Hong Kong d’exercer un haut degré d’autonomie », a-t-il insisté.  

La déclaration sino-britannique de 1984 encadre la rétrocession de Hong Kong intervenue en 1997 sous le principe « un pays, deux systèmes », un statut spécial censé rester en vigueur pendant cinquante ans. Elle stipule que la région bénéficie « d’un haut degré d’autonomie, hormis en matière d’affaires étrangères et de défense », et de son propre système judiciaire, législatif et exécutif.

« Nous encourageons la Chine et toutes les parties à Hong Kong à rechercher une solution qui respecte la liberté des Hongkongais et le haut degré d’autonomie de Hong Kong », a encore ajouté le département d’État, qui lance ainsi pour la première fois un avertissement net et détaillé à Pékin.

La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, s’est dite elle aussi mercredi « profondément attachée au respect intégral » des garanties apportées par ce statut d’autonomie de Hong Kong et le principe +un pays, deux systèmes+, qui « garantissent l’État de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’autonomie du système judiciaire, qui sont essentiels à la population et à la prospérité économique de Hong Kong ».

Ces déclarations interviennent après que la Chine eut haussé d’un cran ses mises en garde après les incidents de la veille : « Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces actes quasi-terroristes », avait déclaré dans un communiqué Xu Luying, porte-parole du Bureau des affaires de Hong Kong et de Macao du gouvernement chinois.  

Gaz poivre

Mardi, deux Chinois du continent ont été passés à tabac au cinquième jour d’une mobilisation sans précédent à l’aéroport de Hong Kong, où le trafic a été particulièrement perturbé lundi et mardi.

Le premier, soupçonné par des manifestants d’être un espion à la solde de Pékin, a été attaché à un chariot à bagages puis frappé. Il a ensuite été évacué en ambulance.

Le Global Times, quotidien officiel chinois de langue anglaise, a indiqué qu’il s’agissait d’un de ses journalistes.

Lors d’un autre incident, un homme accusé par un groupe de manifestants d’être un policier infiltré a été pris à partie.  

Les forces de l’ordre ont dû faire usage de gaz poivre au moment où elles tentaient de l’évacuer, leur fourgon s’étant retrouvé bloqué par quelques centaines de manifestants.

C’est la deuxième fois cette semaine que la Chine cherche à assimiler les manifestations à du « terrorisme », avec des avertissements de plus en plus inquiétants qui font craindre une répression militaire alors que le mouvement en est à sa dixième semaine.  

L’aéroport opère normalement

PHOTO VINCENT THIAN, ASSOCIATED PRESS

La plupart des manifestants ont quitté tôt mercredi l’aéroport, dont le site internet affichait des dizaines de vols partis durant la nuit et des centaines d’autres au départ tout au long de la journée. Beaucoup étaient toutefois retardés.

Dans le hall des départs, les comptoirs d’enregistrement fonctionnaient normalement et il ne restait qu’une poignée de manifestants, dont beaucoup dormaient. « L’aéroport est notre dernière monnaie d’échange », confiait l’un d’eux à l’AFP.

La compagnie hongkongaise Cathay Pacific, sous forte pression de la part de Pékin pour que soit sanctionné tout soutien aux manifestants parmi ses employés, a annoncé mercredi le licenciement de deux pilotes supplémentaires, après avoir déjà limogé deux employés et suspendu un autre pilote samedi.

Les rassemblements prodémocratie avaient paralysé lundi et mardi l’aéroport international, le huitième plus fréquenté au monde (74 millions de passagers en 2018), accentuant la crise la plus aiguë traversée par les autorités chinoises à Hong Kong depuis la rétrocession de la colonie britannique en 1997.  

Le mouvement prodémocratie, qui a vu des millions de personnes descendre dans les rues de Hong Kong, est parti début juin du rejet d’un projet de loi hongkongais autorisant les extraditions vers la Chine. Il a depuis considérablement élargi ses revendications pour dénoncer le recul des libertés et les ingérences de la Chine.

« En colère et épuisés »

Le mouvement n’a pas de dirigeants publics et ses manifestations sont organisées de manière anonyme via les réseaux sociaux et des applications comme Telegram.

Un groupe qui avait organisé des conférences de presse anonymes de manifestants a tenté de répondre aux inquiétudes après le tour violent pris à l’aéroport.  

« Après des mois de résistance prolongée, nous sommes effrayés, en colère et épuisés. Certains d’entre nous s’énervent plus facilement et ont réagi de façon excessive » mardi soir, a déclaré ce groupe dans un communiqué, présentant ses « plus sincères excuses. »

Parallèlement, le dernier gouverneur britannique de Hong Kong, Chris Patten a estimé que le territoire était « au bord de l’abîme » et la Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet a réclamé une enquête impartiale sur le comportement des forces de l’ordre.