(Melbourne) La condamnation pour actes de pédophilie du cardinal australien George Pell est « incontestable », a estimé jeudi le procureur, au deuxième jour de l’examen de l’appel de l’ex-numéro trois du Vatican par la Cour suprême de l’État de Victoria, à Melbourne.

Les avocats de l’ex-archevêque de Melbourne et Sydney, qui aura 78 ans samedi, avaient invoqué mercredi 13 moyens pour attaquer un verdict de premier instance selon eux « déraisonnable », en présentant notamment les faits comme « impossibles ».

A l’issue de l’audience de jeudi, les trois magistrats de la Cour suprême ont réservé leur décision et on ignore quand elle sera annoncée. Ils peuvent confirmer la condamnation, ordonner un nouveau procès ou acquitter le prélat.

George Pell avait été reconnu coupable en décembre de cinq chefs d’accusation portant sur des agressions sexuelles commises contre deux enfants de chœur en 1996 et 1997. Il avait ensuite été condamné en mars à six ans d’emprisonnement.

Le cardinal avait notamment été jugé coupable d’avoir imposé une fellation à un garçon de 13 ans un dimanche de 1996 après la messe et de s’être masturbé en se frottant contre l’autre dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne, où les deux enfants s’étaient cachés pour boire du vin de messe.

L’un des principaux fondements de son recours est de dire que ce verdict était « déraisonnable », car fondé exclusivement sur le témoignage d’une des victimes. L’autre est décédée en 2014 d’une overdose sans jamais reconnaître avoir subi une agression. La défense s’en est également pris à la crédibilité de la victime.

L’ex-archevêque, qui était responsable des finances du Saint-Siège et participa à l’élection de deux papes, est le plus haut responsable de l’Église catholique condamné pour pédophilie.

« Plaignant fiable et crédible »

Dans ses premières déclarations devant la Cour, le procureur Christopher Boyce a rejeté l’argument de la défense selon lequel le témoignage de la victime relèverait du « fantasme ». Si tel était le cas, « des failles auraient été décelées ». Or le jury « a légitimement considéré le plaignant comme un témoin fiable et crédible ».

« Quand on examine l’ensemble des preuves, l’intégrité du verdict du jury est incontestable », a dit le procureur.

Le chef de l’équipe de défense du cardinal, Bret Walker, avait énuméré mercredi un « catalogue » de raisons pour lesquelles l’infraction était « impossible », citant « 13 obstacles solides sur le chemin de la condamnation ».

« Quoi qu’on pense du plaignant en tant que témoin, il n’est simplement pas possible d’accepter sa parole au-delà du doute raisonnable », a estimé la défense.

En outre, les conseils du cardinal protestent contre la décision du juge de première instance de ne pas diffuser à l’audience une animation vidéo censée prouver, en fonction des déplacements dans la cathédrale, que les agressions n’ont pas pu se produire.

M. Walker a expliqué que l’habitude de l’archevêque de bavarder avec les fidèles après la messe lui fournissait un alibi.

« S’il était à l’entrée ouest (de la cathédrale) alors les lois de la physique nous disent que c’est littéralement, logiquement impossible que l’infraction ait eu lieu », a-t-il dit.

La défense soulève enfin des irrégularités de procédure.

Quel qu’il soit, l’arrêt de la Cour fera probablement l’objet d’un pourvoi devant la Haute cour d’Australie, plus haute juridiction du pays.

L’affaire Pell avait été soumise à partir de mai 2018 à un silence médiatique total ordonné par la justice.  

George Pell devait au départ faire l’objet de deux procès distincts renvoyant à deux séries différentes de faits présumés, et la justice avait imposé aux médias de ne rien dire sur l’affaire afin d’éviter que les jurés du second procès ne soient influencés par les débats du premier.  

Ce « blackout » a été levé fin février avec l’abandon de la seconde série de poursuites.