Le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a lancé vendredi à l'ONU un appel à contrecarrer la «menace nucléaire» nord-coréenne aux «conséquences catastrophiques», exhortant la Chine à isoler économiquement et diplomatiquement son allié Pyongyang.

Le secrétaire d'État a présidé une réunion ministérielle exceptionnelle des 15 pays du Conseil de sécurité, où il a prôné des «pressions économiques et diplomatiques» sur la Corée du Nord, tout en menaçant de recourir à la force pour faire plier le régime de Kim Jong-Un.

«Ne pas agir maintenant sur la question sécuritaire la plus urgente dans le monde pourrait avoir des conséquences catastrophiques», a mis en garde M. Tillerson.

Signe de cette urgence pour les États-Unis, dont Hawaï ou la côte nord-ouest pourraient être à portée de missiles nord-coréens, le secrétaire d'État a affirmé que «la menace d'une attaque nucléaire nord-coréenne sur Séoul ou Tokyo était réelle», voire que le régime communiste pourrait un jour «frapper le territoire des États-Unis».

«Toutes les options en réponse à de futures provocations doivent rester sur la table», a-t-il martelé, après que le président Donald Trump a averti jeudi auprès de l'agence Reuters de la «possibilité que nous finissions par avoir un conflit vraiment majeur avec la Corée du Nord».

«Action militaire»

M. Tillerson a souligné la «volonté de contrecarrer l'agression nord-coréenne avec une action militaire si nécessaire», assurant toutefois que les États-Unis «préféraient de beaucoup une solution négociée» diplomatiquement.

Mais alors qu'il avait réitéré vendredi matin sur la radio publique NPR une vieille offre de dialogue direct Washington-Pyongyang, le secrétaire d'État a affirmé devant les Nations unies que les États-Unis «ne récompenseraient pas le mauvais comportement (de la Corée du Nord) avec des négociations».

Pyongyang s'était engagé à partir de 2003 dans des pourparlers à six avec la Corée du Sud, le Japon, la Russie, les États-Unis et la Chine. Ces tractations avaient capoté en 2009 et l'administration de Barack Obama (2009-2017) n'avait cessé pendant huit ans de manier le bâton des sanctions et la carotte d'une relance des discussions.

Mais le régime nord-coréen a multiplié ses tirs de missiles balistiques, procédant même à cinq essais nucléaires souterrains, dont deux en 2016. Ces programmes militaires lui ont valu une série de résolutions de l'ONU et une batterie de sanctions internationales. D'après des experts onusiens, ces mesures punitives ont toutefois eu peu d'impact sur Pyongyang.

Dans un appel solennel au Conseil de sécurité, Rex Tillerson a réclamé que la communauté internationale «impose davantage de pressions diplomatiques et économiques sur le régime nord-coréen», notamment par des ruptures de relations diplomatiques.

«Levier» chinois

C'est donc naturellement vers la Chine, principale alliée de la Corée du Nord, que Rex Tillerson s'est tourné. Arrivée au pouvoir le 20 janvier, l'administration Trump a suivi les pas de l'équipe Obama sur le dossier nord-coréen, mais elle semble davantage déterminée à faire pression sur Pékin.

«Nous devons tous faire notre part, mais la Chine représente 90% des échanges commerciaux nord-coréens, la Chine a un levier économique sur Pyongyang qui est unique et son rôle est particulièrement important», a pressé M. Tillerson, en présence de son homologue chinois Wang Yi qu'il devait voir en tête-à-tête dans l'après-midi.

Le ministre américain a dit attendre «des actions supplémentaires» de Pékin pour contraindre son voisin nord-coréen.

Le chef de la diplomatie chinoise a rétorqué que son pays appliquait scrupuleusement toutes les sanctions de l'ONU.

Vantant les vertus du «dialogue» en vue de la «dénucléarisation de la péninsule», Wang Yi a mis en garde contre les risques de «chaos» et de «plus grandes catastrophes» en cas de recours à la force.

Il a aussi remis en avant une proposition chinoise d'un gel des programmes nucléaire et balistique nord-coréens, en échange d'un arrêt des exercices militaires entre les États-Unis et la Corée du Sud, liés par un traité d'alliance depuis la Guerre de Corée (1950-53).

Pour le patron de la diplomatie chinoise, cette proposition est «sensée et raisonnable» mais les États-Unis l'ont plusieurs fois rejetée.

Prenant les devants, l'Américain Tillerson a aussi promis que les États-Unis «ne cherchaient pas un changement de régime (...) ni quelque prétexte pour une réunification accélérée» des deux Corées.

De son côté, la Russie, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères Guennadi Gatilov, a dénoncé une «rhétorique» de «guerre» et une «démonstration de force irréfléchie» qui pourraient avoir des «conséquences effrayantes».