La lauréate du prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi se rend en Chine la semaine prochaine à l'invitation du Parti communiste, une visite inédite pour la dirigeante de l'opposition, à quelques mois de législatives clefs en Birmanie.

«À l'invitation du Parti communiste chinois, une délégation de la Ligue nationale pour la démocratie, menée par sa présidente Aung San Suu Kyi, se rendra en Chine du 10 au 14 juin», a annoncé le parti unique chinois sur son site internet.

Aucune confirmation n'a été obtenue dans un premier temps à Rangoun auprès du parti de celle qui est désormais députée et séjourne la plupart du temps à Naypyidaw, la capitale administrative birmane, afin d'assister aux séances du Parlement.

Cette invitation arrive à point nommé pour l'opposante, critiquée sur la scène internationale ces dernières semaines pour son silence dans la crise des migrants en Asie du Sud-Est, en grande partie des membres de la minorité musulmane rohingya de Birmanie.

Celle dont le parti est donné grand gagnant des législatives de la fin de l'année devrait être reçue à Pékin aux plus hauts niveaux de l'État et du PCC, avec éventuellement une rencontre avec le premier ministre Li Keqiang et le président Xi Jinping.

Suu Kyi pourrait aborder avec les dirigeants chinois le cas de l'écrivain Liu Xiaobo, maintenu en prison, qui avait reçu le Prix Nobel de la Paix en 2010.

D'un point de vue de politique intérieure, la cause est plus facile à défendre pour elle que celle des Rohingya, dans une Birmanie en proie à un fort nationalisme bouddhiste, où le mot «rohingya» est tabou.

Alors qu'Aung San Suu Kyi est une habituée des tournées en Europe, le grand voisin chinois n'était pas jusqu'ici sur ses radars. Sa visite y avait été annoncée pour décembre 2014, avant d'être annulée.

Pour Pékin, il s'agit aussi de marquer son influence régionale, face à l'offensive diplomatique américaine pour faire rentrer la Birmanie dans sa sphère.

Lors de sa dernière visite dans le pays, en novembre 2014, Barack Obama avait ostensiblement consacré plus d'attention à l'opposante Aung San Suu Kyi qu'au président Thein Sein.

Il l'avait rencontrée à son domicile de Rangoun, lieu emblématique où elle a passé plus de 15 ans assignée à résidence. Il avait martelé à ses côtés, lors d'une conférence de presse, que les élections de novembre devraient être «équitables».

Investisseur de poids en Birmanie

La lauréate du prix Nobel ne sera pas présidente de Birmanie à l'issue des législatives, une clause de la Constitution l'empêchant d'accéder à la fonction suprême. Mais en cas de victoire de son parti, elle sera un personnage de premier plan dans ce pays d'Asie du Sud-Est voisin de la Chine.

Pour Pékin, il s'agit aussi de réaffirmer sa place d'investisseur de poids en Birmanie, héritée de l'époque de la junte militaire, à qui Pékin a longtemps servi de bouclier économique et politique.

Depuis l'autodissolution de la junte en 2011, Pékin doit partager le marché birman avec les investisseurs occidentaux.

La Birmanie a permis à la Chine de multiplier des investissements souvent controversés dans le pays, notamment dans une mine de cuivre à Monywa, dans le nord de la Birmanie.

Une manifestation contre ce projet de la société chinoise Wanbao avait été violemment réprimée en 2012. Une enquête sur cet incident avait donné le feu vert à la poursuite des activités, provoquant la colère des habitants contre la commission dirigée par la députée Suu Kyi.

Sa visite en Chine intervient par ailleurs après une série de tensions à la frontière entre la Chine et la Birmanie. Dans la région de Kokang, l'armée birmane reste aux prises avec des rebelles ethniques chinois.