Kevin Rudd est redevenu officiellement jeudi matin premier ministre d'Australie, remplaçant Julia Gillard mise en minorité la veille lors d'un vote de confiance au sein du parti travailliste, quasiment trois ans jour pour jour après que Mme Gillard avait délogé M. Rudd de ces mêmes fonctions.

«Je ferai du mieux que je peux», a déclaré le nouveau chef de gouvernement après avoir été nommé à son poste par le gouverneur général Quentin Bryce, à Canberra, la capitale administrative du pays.

Rudd, qui a aussi pris la tête du parti travailliste, devra conduire sa formation aux élections parlementaires prévues le 14 septembre, et qui s'annoncent difficiles pour le parti au pouvoir selon tous les sondages.

Six ministres de premier plan, dont le Trésorier du gouvernement, Wayne Swan, qui soutenaient Mme Gillard, ont démissionné. Mme Gillard, 51 ans, a annoncé qu'elle quittait la politique.

M. Rudd, 55 ans, a dirigé le pays entre 2007 et 2010. Il était parvenu à amener les travaillistes au pouvoir après onze ans de gouvernement conservateur et jouissait alors d'une bonne cote. Mais ses maladresses, son autoritarisme, voire sa mégalomanie selon des collègues travaillistes, avaient provoqué un putsch interne au parti.

Remplacé à l'été 2010 par Julia Gillard, il était devenu son ministre des Affaires étrangères, avant de démissionner après avoir convoqué un premier vote de confiance à son encontre en février 2012.

Gillard, première femme Premier ministre de l'histoire de l'Australie, n'est jamais parvenue à être populaire et les sondages la donnaient perdante le 14 septembre. Kevin Rudd sait mieux séduire les électeurs, là encore selon les sondages, et son arrivée à la tête du parti et du gouvernement pourrait donner une impulsion aux travaillistes.

Les analystes prévoient que M. Rudd va avancer la date des élections au 24 août, afin de profiter de l'impulsion actuelle. Anthony Albanese, ministre des Transports dans le gouvernement Gillard et nommé jeudi vice-premier ministre, a indiqué qu'il fallait en «discuter avec attention».

Rudd pourrait dès ce jeudi devoir se lancer dans l'arène, si l'opposition conservatrice, menée par Tony Abbott, présente une motion de défiance. Le gouvernement travailliste ne dispose pas de la majorité absolue au parlement.

Dans sa déclaration d'avant le vote interne au parti travailliste, mercredi, Kevin Rudd, un ancien diplomate qui parle couramment le mandarin, a promis d'améliorer les relations avec le monde des affaires et de se tourner vers les jeunes.

Lors de son mandat, Julia Gillard a essuyé de féroces critiques de la part des industriels miniers, auxquels elle avait imposé le paiement d'une taxe carbone et d'une taxe sur les bénéfices.

L'Australie est le seul grand pays riche à avoir échappé à la récession des années 2008/09 grâce aux gigantesques ressources minières dont elle dispose, et qui sont très demandées par les pays émergents. La Chine est ainsi devenue son principal partenaire commercial.

Le chef de l'opposition Tony Abbott, maintes fois la cible de vertes critiques de la part de Julia Gillard, qui lui reprochait sexisme et misogynie, n'a pas eu de mots tendres envers son ancienne rivale. «Je pense que l'histoire la jugera durement car (ses trois années au poste de première ministre) ont été très faibles», a-t-il déclaré.

Qui est Kevin Rudd?

Après les échecs de février 2012 et mars 2013, Kevin Rudd est parvenu mercredi à rallier la majorité des députés travaillistes pour prendre la place de Julia Gillard, son ancienne ministre et grande rivale, qui l'avait délogé de ses fonctions de premier ministre il y a pile trois ans.

Rudd devra conduire sa formation aux élections du 14 septembre, pour lesquelles les travaillistes sont donnés largement perdants.

«La vérité est que nous nous dirigeons vers une défaite catastrophique à moins d'un changement», a déclaré l'ancien diplomate de 55 ans, peu avant le vote de mercredi soir. «Je dis aujourd'hui au peuple d'Australie, je réponds à l'appel de nombre d'entre vous, afin de faire ce que je peux pour empêcher (le chef de l»opposition Tony) Abbott de devenir premier ministre».

Avant de s'emparer du pouvoir en 2007, M. Rudd avait une réputation d'intellectuel --il parle couramment le mandarin-- au cuir trop doux pour le monde politique australien. Mais lorsqu'il enlève la victoire après onze ans de pouvoir conservateur, les observateurs reconnurent sa détermination et sa pugnacité.

Voire son autoritarisme. Son caractère peu conciliant et des maladresses politiques - dont un revirement en matière de taxe verte pour les entreprises - lui valent de solides inimitiés au sein de son parti et le désamour de la population australienne. Un putsch interne au parti travailliste met fin à ses fonctions en juin 2010.

Lors de son premier mandat, Kevin Rudd s'était engagé à rapprocher l'Australie de l'Asie - la Chine est le premier partenaire commercial de l'Australie -.

Il était aussi revenu sur plusieurs mesures controversées du précédent gouvernement conservateur en matière d'immigration et avait présenté aux aborigènes des excuses officielles au nom de la nation pour la manière dont ils avaient été traités depuis l'arrivée des colons européens au 19e siècle, un geste historique.

Il avait également signé le protocole de Kyoto sur le changement climatique.

Dans le gouvernement Gillard, M. Rudd occupait les fonctions de ministre des Affaires étrangères avant de quitter son poste début 2012, après sa première tentative de putsch.

Élevé dans le Queensland (nord-est), Kevin Rudd a grandi dans la pauvreté. À onze ans, il a vécu quelque temps dans une voiture, après la mort brutale de son père dans un accident de la route et la perte de la ferme familiale.

De cette époque, il dit avoir tiré ses convictions sur la justice sociale, lesquelles l'ont conduit à entrer en politique. Après une première tentative infructueuse, il est élu en 1998 au Parlement.

Auparavant, Kevin Rudd avait été haut fonctionnaire du gouvernement travailliste du Queensland et diplomate, à Stockholm et Pékin notamment.

Père de trois enfants, ce catholique est marié à une femme d'affaires millionnaire, Therese Rein.