Le chef de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a dénoncé sur une radio américaine le projet de moines nationalistes d'interdire le mariage des femmes bouddhistes avec des fidèles d'autres religions, alors que les tensions ne cessent de croître entre bouddhistes et musulmans.

La proposition, défendue en particulier par le moine Wirathu, auteur de discours islamophobes violents ces derniers mois, imposerait que les hommes désireux d'épouser une bouddhiste se convertissent au préalable. Ils devraient aussi demander l'autorisation aux parents de la jeune fille sous peine de risquer dix ans de prison.

«C'est inéquitable. Pourquoi seulement les femmes? Vous ne pouvez traiter les femmes de façon injuste», a déclaré la lauréate du prix Nobel de la paix dans un entretien publié vendredi par la radio Radio Free Asia. «Il ne devrait pas y avoir de différence entre les hommes et les femmes».

Suu Kyi est souvent critiquée, en particulier à l'étranger, pour son silence face aux violences religieuses. Une prudence que certains lient à sa volonté de ménager l'opinion birmane, majoritairement bouddhiste, en vue des élections législatives de 2015.

Le projet «n'est pas en accord avec les lois du pays et (...) cela ne fait pas partie du bouddhisme», a-t-elle ajouté. «C'est une violation des droits des femmes et des droits humains».

Environ 200 personnes avaient été tuées l'an passé et 140 000 déplacées dans des violences, dans l'ouest du pays, entre bouddhistes de l'ethnie rakhine et membres de la minorité musulmane apatride des Rohingyas.

Les heurts se sont depuis élargis à d'autres régions, faisant des dizaines de morts et impliquant des religieux, dans les discours et dans les violences elles-mêmes.

Ce climat délétère met en lumière des tensions mises en sourdine pendant 50 ans par la junte, mais réapparues au grand jour depuis que celle-ci a cédé le pouvoir en mars 2011.

Wirathu, qui a présenté son projet lors d'une réunion de quelque 200 religieux à Rangoun la semaine dernière, veut le faire examiner par le parlement. Le moine est impliqué dans le mouvement «969», une campagne qui invite notamment les bouddhistes à boycotter les commerces musulmans.

Plusieurs hauts responsables du clergé ont pris leurs distances par rapport à son projet.