L'accident de Fukushima a beau être un drame dont se sentent responsables les Japonais, la sagesse voudrait qu'ils acceptent davantage l'aide des étrangers pour étendre la palette des technologies disponibles, estiment des experts en poste à Tokyo.

«S'il y a un domaine dans lequel ça n'avance guère, c'est celui du rôle des étrangers dans le démantèlement de la centrale Fukushima-Daiichi» ravagée par le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, déplore un diplomate occidental.

Selon lui, c'est partiellement compréhensible au regard du mode de pensée des Japonais qui considèrent que c'est «leur» accident, que c'est donc à eux d'en venir à bout. Il serait cependant dommage qu'ils négligent les compétences étrangères, même s'il y a un important savoir-faire technique au Japon, à son avis.

«Un démantèlement sûr ne doit pas être effectué par le Japon seul, mais il doit intégrer le savoir-faire, l'expertise et la technologie de pointe du monde entier», avait déclaré, à l'agence de presse nippone Kyodo, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano.

Le chantier s'annonce titanesque pour assainir le site atomique sinistré, et un responsable du ministère de l'Industrie, Hiroshi Asahi, indiquait lui-même en mars 2012 que «la philosophie fondamentale de recherche et développement pour le démantèlement du site exigeait un cadre ouvert et flexible avec le support des communautés internationales d'ingénieurs et de scientifiques».

Le même ministère s'est d'ailleurs engagé à mettre à la disposition des étrangers les informations et les données sur le processus de démantèlement.

En mars dernier, le président du Forum japonais de l'industrie atomique (JAIF), Takuya Hattori, avait dit «espérer que sera mise en place une organisation de recherche et développement et que les efforts pour la doter du savoir-faire et d'expertise internationaux porteront leurs fruits».

«Une telle structure de recherche et développement ne doit pas être une structure japono-japonaise. Elle doit rassembler les entreprises nippones et occidentales qui ont l'expérience du démantèlement de réacteurs ou d'autres compétences», renchérissait récemment un éditorial du journal économique Nikkei, bible des milieux d'affaires.

Et d'ajouter: «la recherche et développement qui doit être conduite pour le démantèlement des réacteurs ne doit pas être de la recherche pour de la recherche. Les entreprises impliquées doivent agir avec le sens d'une mission à accomplir».

Français, Britanniques et Américains espèrent que les promesses seront tenues et les voeux exaucés.

Mais les entreprises étrangères se méfient. Elles ne voudraient pas, en effet, que le partage s'arrête à la recherche et au développement et que le Japon monopolise le savoir-faire industriel du démantèlement, un domaine qui va devenir commercialement crucial.

Elles veulent participer concrètement aux travaux qui aboutiront à l'extraction du combustible fondu au coeur de trois des six réacteurs de cette centrale du nord-est, une intervention qui devrait débuter vers 2020 si tout va bien.

Selon le diplomate, la meilleure approche pour l'heure est celle du partenariat avec une société japonaise. C'est le procédé que privilégie par exemple le groupe français Areva. Il s'agit alors d'accompagner une firme locale dans l'utilisation d'une technologie d'origine extérieure ou développée en commun.

«Les sociétés étrangères n'ont pas la capacité de déployer à Fukushima suffisamment de moyens pour entreprendre seules les tâches majeures, donc le partenariat est la solution la plus bénéfique pour tous», souligne le diplomate occidental selon qui «une présence internationale à Fukushima serait en outre de nature à rassurer le monde inquiet».