Les électeurs au Bhoutan bravaient la mousson sur des chemins de montagne escarpés pour accomplir leur devoir de citoyen, le pays du «Dragon tonnerre» devant se choisir un nouveau gouvernement pour la deuxième fois de son histoire.

Vêtus de leurs habits traditionnels hauts en couleurs et s'abritant sous des parapluies, les Bhoutanais faisaient la queue devant les bureaux de vote de ce petit royaume bouddhiste himalayen pour le premier tour d'un scrutin devant élire la chambre basse du parlement.

«Il y a beaucoup de promesses dans les professions de foi des candidats, mais ce que nous attendons d'abord, c'est un gouvernement qui apporte en même temps le bonheur au peuple et le développement économique», résumait Chimi Dorji, 35 ans, en attendant de voter dans le village de Dopshar, à 1 h 30 de route de la minuscule capitale, Thimphou.

«Parce que sans développement économique, il ne peut y avoir de bonheur», jugeait-il.

Le Bhoutan est connu à l'étranger pour sa quête du «bonheur national brut», une approche originale du développement économique centrée sur la protection de l'environnement et le bien-être et non sur le produit intérieur brut.

Mais de forts écarts de salaires, un chômage des jeunes, l'émergence d'une délinquance liée à la consommation de drogue et l'exode rural ont récemment fourni des motifs de mécontentement aux électeurs.

Ce pays coincé entre l'Inde et la Chine est resté longtemps fermé à l'influence extérieure - la télévision a été interdite jusqu'en 1999 -, et il ne s'ouvre aujourd'hui aux touristes qu'avec parcimonie.

Organiser le vote des 400 000 électeurs s'apparente à un énorme défi logistique dans ce pays au relief fortement accidenté, en pleine mousson saisonnière.

Avant les élections, les autorités ont parfois marché pendant sept jours pour atteindre certains endroits reculés.

Munis de téléphones satellitaires pour envoyer les résultats, les autorités ont lutté contre des pluies battantes sur des chemins à peine carrossables pour s'assurer que même les nomades vivant avec leurs yacks pourraient voter, a rapporté le quotidien national Kuensel.

«À cause de la mousson, les gens pourraient avoir un peu de mal à gravir les montagnes, mais pour l'instant, tout est prêt», a commenté auprès de l'AFP Sherab Zangpo, un porte-parole de la Commission électorale.

Les électeurs doivent choisir lequel des quatre partis en lice formera le prochain gouvernement à la chambre basse du parlement («Assemblée nationale»).

À l'issue du premier tour vendredi, les deux premiers partis seront départagés lors d'un second tour le 13 juillet pour former le nouveau gouvernement.

En avril, la participation électorale pour désigner la Chambre haute du parlement («Conseil national») avait été de 45%. L'intérêt des électeurs pour le scrutin de vendredi devrait être plus élevé.

Dans le village de Dopshari, des hommes portant le «gho», un manteau trois-quarts en drap sombre ceinturé à la taille, et des femmes en «kira» (jupe-portefeuille en soie) attendaient de déposer leur bulletin dans l'urne, certains mâchant de la noix de bétel pour passer le temps.

Beaucoup refusaient de dévoiler leur choix.

En mars 2008, le Bhoutan avait mis fin à un siècle de monarchie absolue avec les premières élections législatives qui avaient abouti à la victoire écrasante d'un parti d'un ancien premier ministre formé aux États-Unis, le parti de centre droit Druk Phuensum Tshogpa (DPT).

Il avait raflé 45 des 47 sièges de l'Assemblée nationale devant le People's Democratic Party.

Cette fois, deux nouveaux partis de centre gauche se sont portés candidats, tous deux menés par des femmes. Mais sauf surprise, le DPT devrait sortir vainqueur grâce au soutien de la population rurale, qui représente 70% du pays.