La Corée du Nord a dépêché un émissaire mercredi en Chine, vraisemblablement pour obtenir un entretien de Kim Jong-Un avec le président Xi Jinping, tandis que Tokyo prend l'initiative du dialogue, au risque de fragiliser le front anti-Pyongyang, après des mois de tensions sur la péninsule coréenne.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a désigné Choe Ryong-Hae, directeur du politburo de l'Armée populaire de la Corée, pour le représenter à Pékin, a indiqué l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA, sans préciser le motif de sa visite.

Choe est vraisemblablement le plus haut responsable nord-coréen à se rendre en Chine depuis Kim Jong-Il, défunt père de l'actuel numéro un du régime, en août 2011. Il a rencontré Wang Jiarui, à la tête du département des relations internationales du Parti communiste chinois.

Choe et Wang ont «échangé des vues sur la situation dans la péninsule coréenne et d'autres sujets d'intérêt commun», a déclaré sans plus de détails le porte-parole de la diplomatie chinoise, Hong Lei, lors d'un point de presse quotidien.

La date choisie pour ce déplacement n'est pas anodine. Elle intervient à un peu plus de deux semaines avant un sommet entre le président américain Barack Obama et Xi Jinping les 7 et 8 juin en Californie.

«Choe est l'homme de confiance le plus proche de Kim Jong-Un. Kim envoie son émissaire de plus haut rang en Chine avant le sommet», note Yang Moo-Jin, professeur à l'université des études nord-coréennes de Séoul.

«C'est (sa) façon de transmettre son message à Obama au sujet de la paix sur la péninsule coréenne et le dossier nucléaire», selon lui.

La Chine, seul allié de poids de la Corée du Nord et son principal bailleur de fonds, est considérée comme la mieux à même d'influer sur l'imprévisible régime de Pyongyang.

Mais Pyongyang a courroucé son puissant voisin en ignorant ses mises en garde contre une déstabilisation de la région, effectuant, en un an, deux tirs de fusée (dont un réussi en décembre) considérés par les Occidentaux comme des essais déguisés de missiles balistiques, et un essai nucléaire (le 12 février dernier).

Pékin, souvent critiqué pour sa stratégie d'obstruction systématique à l'ONU destinée à éviter des mesures de rétorsion trop sévères contre Pyongyang, a de ce fait voté les nouvelles sanctions prises à l'encontre du régime nord-coréen par le Conseil de sécurité de l'ONU après l'essai nucléaire de février, dont des clôtures d'avoirs bancaires.

Selon Cheong Seong-Chang, analyste au Sejong Institute, «la Chine cherche une sorte de compromis et Choe pourrait offrir l'assurance de ne pas effectuer de nouvel essai nucléaire pour le moment» en échange d'un entretien Xi-Kim.

Cho Han-Bum, chercheur à l'Institut coréen pour l'unification nationale, estime que Kim Jong-Un a «besoin d'un coup de pouce et une visite en Chine l'aiderait à asseoir sa légitimité en tant que dirigeant».

Le Japon, dont la diplomatie a pourtant repris des accents nationalistes et conservateurs depuis le retour de Shinzo Abe au poste de premier ministre, semble lui aussi désireux d'obtenir un modus vivendi avec Pyongyang.

Alors qu'à la mi-avril, le régime nord-coréen avait menacé le Japon du «feu nucléaire», Abe a dépêché un conseiller à Pyongyang la semaine dernière, expliquant vouloir poursuivre le dialogue avec la Corée du Nord pour obtenir le retour des civils kidnappés dans les années 1970 et 80.

Séoul avait ainsi qualifié cette visite d'«inutile» et l'émissaire américain pour la Corée du Nord, Glyn Davies, avait pour sa part évoqué une tentative» de «division de la communauté internationale».

Séoul, Washington et Tokyo devraient s'efforcer de montrer que leur front uni n'est justement pas écorné, à l'occasion de la première réunion tripartite des ministres de la Défense de ces pays depuis 2009, fin mai-début juin à Singapour.

En attendant l'issue des contacts avec Pékin, Kim Jong-Un poursuit les grandes manoeuvres au sommet de l'État qui ont vu plusieurs hauts responsables évincés ou nommés depuis qu'il a succédé à son père à la mort de ce dernier en décembre 2011.

Le ministre des Forces armées, Kim Kyok-Sik, considéré comme un «faucon», a ainsi été promu chef des personnels généraux de l'armée, a indiqué mercredi KCNA.

Selon les experts sud-coréens, Kim est le haut gradé militaire qui avait orchestré le bombardement d'une île sud-coréenne en novembre 2010.