Un chercheur américain a été assassiné après avoir travaillé à Singapour sur un projet sensible pour le géant chinois des équipements en télécommunications Huawei, a affirmé mardi un médecin légiste lors d'une enquête publique, contredisant la police qui a conclu au suicide.

«La cause de la mort de Shane Todd est la strangulation», a affirmé Edward Adelstein, médecin légiste assistant du Missouri, aux États-Unis, dans un témoignage écrit diffusé lors de l'enquête publique en cours depuis une semaine.

«Je conclurais au meurtre», a-t-il ajouté.

Ce témoignage a cependant été vivement critiqué par un juge singapourien, accusant l'expert américain de «spéculations» après qu'il a lui-même reconnu qu'il se basait sur des photos du corps et des informations indirectes.

L'attaque du juge a poussé les parents de Shane Todd, ingénieur américain en électronique retrouvé pendu à Singapour en juin 2012, à claquer la porte des audiences publiques, assurant qu'ils avaient «perdu confiance» dans l'enquête.

Selon l'autopsie, le chercheur de 31 ans se serait suicidé. Ses parents estiment en revanche qu'il a été tué. Selon eux, l'Américain craignait pour sa vie après avoir travaillé pour le compte de son employeur, l'Institute of Microelectronics (IME, un établissement public), sur un projet ultra-sensible destiné au chinois Huawei.

Huawei, deuxième fournisseur mondial d'équipements de télécommunications, est soupçonné par certains membres du Congrès américain d'avoir des liens avec le gouvernement de Pékin et de constituer un risque pour la sécurité des États-Unis.

M. Todd était «une personne très dangereuse» pour Huawei et l'IME, qui l'ont «fait tuer» par des «tueurs à gages» expérimentés, a accusé Edward Adelstein sans apporter de preuves.

L'IME et Huawei ont démenti avoir travaillé sur un projet commun impliquant M. Todd.

M. Adelstein a été recruté par la famille Todd. Deux autres médecins légistes américains agissant en tant qu'experts indépendants ont en revanche confirmé la thèse du suicide.

Au premier jour de l'enquête publique, le juge singapourien Tai Wei Shyong avait souligné qu'«aucun signe d'acte criminel» n'avait été relevé. Des lettres adressées à ses proches ont de plus été retrouvées dont une où il disait être «un fardeau». M. Todd était sous antidépresseur et avait consulté divers sites spécialisés dans le suicide, avait précisé M. Tai.

Selon un article publié en février dans le Financial Times britannique, M. Todd travaillait sur le nitrure de gallium (GaN), un semi-conducteur utilisé notamment dans les communications par satellite et les radars.

Les audiences publiques doivent être achevées le 28 mai et les conclusions rendues d'ici à la fin juin.

L'enquête n'est pas un procès. Elle ne cherche qu'à établir les circonstances de la mort et non les responsabilités. S'il est déterminé qu'il y a eu meurtre, des investigations séparées devront alors cerner le ou les coupables.