Le Pakistan se préparait vendredi sous tension à la veille d'élections législatives indécises, notamment entre le favori Nawaz Sharif et l'outsider Imran Khan, sous les menaces répétées des talibans qui ont conseillé aux électeurs de ne pas aller voter pour rester en vie.

Faute d'avoir pu faire dérayer un processus électoral qu'il jugent «non islamiques», les rebelles du TTP, un groupe islamiste armé en lutte ouverte contre le pouvoir à Islamabad, ont menacé d'aller attaquer les bureaux de vote samedi. Le TTP, un allié d'Al-Qaïda, avait déjà revendiqué la plupart des attaques qui ont fait au moins 117 morts dans la campagne électorale.

«La démocratie est un système non islamique, un système d'infidèles. Je demande donc à la population d'éviter les bureaux de vote si elle ne veut pas risquer de perdre la vie», a menacé vendredi le porte-parole du TTP, Ehsanullah Ehsan, dans un message audio reçu à l'AFP.

Des sources talibans avaient déjà affirmé la veille que les insurgés avaient déployé des kamikazes sur le terrain afin de perpétrer des attentats suicide et décourager la participation des électeurs, notamment ceux des partis laïcs membres de la coalition sortante.

Plus de 86 millions de Pakistanais sont appelés samedi à choisir leurs 342 députés de l'Assemblée nationale parmi 4670 candidats, et leurs représentants dans les quatre assemblées provinciales parmi près de 11 000 autres.

Les quelque 70 000 bureaux de vote seront ouverts de 08H00 (03H00 GMT) à 17H00 locales (12H00 GMT). La commission électorale pakistanaise commencera à distiller les premiers résultats samedi dans la soirée.

La majorité des observateurs parient sur la victoire de la Ligue Musulmane (PML-N, centre droit) de Nawaz Sharif, un magnat de l'acier déjà deux fois Premier ministre.

Mais le score du Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) de l'ex-gloire du cricket Imran Khan, sensation de la campagne qui surfe de surcroît sur une vague de sympathie depuis qu'il s'est fracturé des vertèbres en chutant de plusieurs mètres lors d'un rassemblement cette semaine, alimente les spéculations.

Au pouvoir ces cinq dernières années, le Parti du peuple pakistanais (PPP), déjà plombé par son mauvais bilan économique et sécuritaire, a dû se résoudre à une campagne a minima après que les rebelles talibans eurent annoncé qu'il viseraient les partis laïcs de la coalition sortante (PPP, ANP, MQM).

Le gagnant du scrutin national sera probablement appelé à former une coalition, et s'il ne le peut le parti arrivé second, ce qui dans les deux cas ouvre la voie à d'intenses tractations dans les semaines qui suivront le vote.

Ces élections vont permettre à un gouvernement civil de passer la main à un autre après avoir terminé un mandat complet de cinq ans, une première dans ce pays créé en 1947 et à l'histoire jalonnée de coups d'État.

Le taux de participation, qui était de l'ordre de 44% lors des dernières élections de 2008, sera l'une des clés du scrutin. Les observateurs peinent notamment à prévoir s'il sera dopé par une forte participation des jeunes avides de changement, ou miné par la peur des attentats.

Plus de 600 000 personnels de sécurité seront chargés de protéger les bureaux de vote, dont près de la moitié sont considérés comme «à risque».

Vendredi matin, quatre personnes ont été tuées et une quinzaine d'autres blessées lors d'une explosion sur un marché proche de bureaux de candidats aux élections dans une zone tribale du nord-ouest frontalière de l'Afghanistan.

L'attaque n'a pas été revendiquée, mais est venue rappeler la menace du TTP, d'autant qu'elle a eu lieu au Waziristan du Nord, son principal repaire tribal.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exprimé ses inquiétudes face aux violences constatées pendant la campagne, et demandé à l'ensemble des Pakistanais de participer pacifiquement à l'élection.

La plupart des attaques ont eu lieu dans le nord-ouest et Karachi, mais la campagne a été souvent pacifique ailleurs. L'émergence d'Imran Khan a notamment soulevé un vent de fraîcheur dans ce pays de 180 millions d'habitants encore très dominé par les pouvoirs traditionnels féodaux et industriels.

Les principaux thèmes de la campagne furent la terrible crise énergétique, l'éradication de la corruption, le positionnement face à l'impopulaire allié américain et aux talibans, et la nécessité de développer les services de base dans un pays de 180 millions d'âmes pauvre à près de 30%.