Plus de 100.000 partisans de l'ex-Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra ont manifesté mercredi à Bangkok pour renverser le gouvernement d'Abhisit Vejjajiva, qualifié d'illégitime, aggravant la crise politique qui secoue le royaume depuis trois ans.

Les manifestants, surnommés les «chemises rouges», ont non seulement visé M. Abhisit, devenu Premier ministre le 15 décembre, mais aussi le principal conseiller du roi, qu'ils accusent de manipuler le jeu politique.

Le rassemblement, qui s'est transformé en défilé, était organisé par les fidèles de M. Thaksin, un homme d'affaire, ancien homme fort de la Thaïlande renversé par des généraux royalistes en septembre 2006 et qui vit en exil pour échapper à une condamnation pour corruption dans son pays.

Depuis le 26 mars, le mouvement des «chemises rouges» campe autour du siège du gouvernement de M. Abhisit. Mercredi, il a accentué la pression sur le pouvoir et ses alliés en se rassemblant devant la résidence du général de réserve Prem Tinsulanonda, 88 ans, président du Conseil privé du roi, accusé par M. Thaksin d'avoir orchestré le putsch de 2006 et d'alimenter, depuis, la crise politique.

La police a évalué à plus de 100.000 le nombre de manifestants, tandis que les forces de sécurité sont restées discrètes, mais mobilisées en nombre (10.000 policiers et soldats non-armés ont été déployés autour de plusieurs sites).

«Nous sommes venus ici pour expulser le gouvernement», a lancé à la foule Nattawut Saikuar, lieutenant de M. Thaksin, ajoutant que M. Prem devait également démissionner pour «avoir incité l'armée à se tourner contre la démocratie». Il a dit que le rassemblement se poursuivrait jusqu'à vendredi.

Les accusations explicites et croissantes contre le principal conseiller du roi brisent un tabou dans la société thaïlandaise où la monarchie est immensément révérée et où des risques existent de voir les turbulences politiques dégénérer en guerre civile. Le roi Bhumibol Adulyadej, qui aura 82 ans en décembre, a été jusqu'ici le ciment unificateur de la nation.

Le chef adjoint de la police de Bangkok, le général Chakthip Chaijinda, s'est déclaré «inquiet» d'éventuelles provocations nocturnes par des «tierces parties» et d'un possible «attentat à la bombe».

M. Abhisit, 44 ans, a averti les manifestants qu'aucune violence ne serait tolérée. Il a rejeté leurs demandes en vue d'une dissolution du Parlement et d'élections législatives anticipées.

Mardi, le gouvernement avait été contraint de déplacer sa réunion hebdomadaire vers la station balnéaire de Pattaya où le convoi du Premier ministre a été attaqué par des manifestants pro-Thaksin.

Mercredi, M. Abhisit a dit que certains manifestants cherchaient à créer «le chaos dans les rues» et que l'attaque de la veille s'inscrivait dans des efforts délibérés de provocation.

En dépit de la situation, il a confirmé la tenue ce week-end à Pattaya d'un sommet entre les dix pays membres de l'Association des nations d'Asie du sud-est (Asean) et leurs principaux partenaires, dont le Japon et la Chine.

M. Abhisit, né en Grande-Bretagne et perçu comme un symbole des élites de Bangkok, a émergé après des mois de manifestations organisées par des militants se réclamant du roi. Ces manifestants, surnommés les «chemises jaunes», avaient occupé les aéroports de Bangkok en novembre, ce qui avait précipité la chute du gouvernement pro-Thaksin.