Abhisit Vejjajiva, chef de l'opposition thaïlandaise, a été désigné 27e Premier ministre du royaume lors d'une élection lundi au Parlement qui a mis fin à 10 mois de pouvoir chaotique des lieutenants de Thaksin Shinawatra.

Cette nomination, consécutive à un renversement d'alliance, a été ponctuée par des incidents devant le Parlement où plus de 100 partisans de M. Thaksin, vêtus de rouge, ont jeté des projectiles sur des députés «traîtres» et ont tenté de bloquer la principale entrée avec des barrières en fer.

M. Abhisit, 44 ans, leader du Parti démocrate, a obtenu le soutien de 235 députés, contre 198 à Pracha Promnog, candidat du clan Thaksin, l'ex-Premier ministre en exil. Trois parlementaires se sont abstenus.

Abhisit Vejjajiva, né au Royaume-Uni et diplômé d'Oxford, a «remercié tous les membres du Parlement qui ont voté» pour lui, mais s'est abstenu de toute déclaration politique dans l'attente d'un «assentiment royal» à sa nomination.

C'est la première fois depuis huit ans qu'un dirigeant du Parti démocrate devient Premier ministre.

Toutes les élections législatives depuis 2001, y compris les dernières en décembre 2007, ont été remportées par les partisans de M. Thaksin.

La nomination de M. Abhisit fait suite à des ralliements parlementaires consécutifs à la dissolution le 2 décembre par la Cour constitutionnelle du Parti du pouvoir du peuple (PPP, pro-Thaksin), alors que les aéroports de Bangkok étaient occupés par des manifestants royalistes.

Dès le 6 décembre, M. Abhisit avait déclaré être en mesure de diriger une nouvelle coalition après un renversement d'alliance de députés de quatre formations précédemment alliées à M. Thaksin et d'une faction rebelle du PPP.

Samedi, dans un message vidéo à plus de 50.000 partisans rassemblés dans un stade de Bangkok, M. Thaksin avait dénoncé «l'ingérence» de l'armée dans le jeu politique et dans la formation d'un nouveau gouvernement.

M. Thaksin, puissant homme d'affaires de 59 ans renversé par des généraux royalistes en 2006, vit en exil pour échapper à une condamnation et diverses enquêtes pour corruption dans son pays. Détesté par l'aristrocratie et une partie des classes moyennes de Bangkok, il reste populaire parmi les masses rurales du nord de la Thaïlande.

M. Abhisit est le troisième homme politique à devenir Premier ministre en dix mois.

Samak Sundaravej, allié de M. Thaksin, avait été élu chef du gouvernement en février à l'issue des législatives de décembre 2007 qui avaient mis fin à 15 mois d'administration militaire.

M. Samak, un passionné de cuisine, avait été destitué en septembre par la Cour constitutionnelle, officiellement pour avoir continué de présenter des émissions culinaires à la télévision.

Il avait été remplacé par Somchai Wongsawat, beau-frère de M. Thaksin, qui a lui-même été forcé de démissionner le 2 décembre sur ordre de la Cour constitutionnelle, dans le cadre d'un dossier de fraude électorale visant le PPP.

Le passage au pouvoir des lieutenants de M. Thaksin a été marqué par des manifestations incessantes des militants royalistes de «l'Alliance du peuple pour la démocratie» (PAD), qui ont occupé en août le siège du gouvernement avant de prendre d'assaut fin novembre les deux aéroports de Bangkok, piégeant en Thaïlande quelque 350.000 passagers, dont de nombreux touristes étrangers.

Le Parti démocrate est la plus vieille formation politique de Thaïlande (62 ans d'existence). Il dispose de puissants relais dans l'establishment conservateur de Bangkok, que ce soit dans l'armée, dans l'administration ou au palais royal.

Le Parti démocrate a nié qu'il se retrouvait à la tête d'une coalition fragile. Son secrétaire général, Suthep Thaugsuban, s'est déclaré «confiant dans la stabilité du gouvernement» dont l'objectif prioritaire sera de rétablir la confiance par une relance de l'économie, très malmenée ces derniers mois.

La Bourse de Bangkok a gagné 2,89% après l'élection de M. Abhisit.