Pour la première fois, le roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej, «souffrant», a brusquement annulé jeudi une adresse à la nation à la veille de son 81e anniversaire, alors qu'une crise politique se poursuit dans le royaume, en dépit du déblocage des aéroports de Bangkok.

Alors que des millions de Thaïlandais attendaient l'intervention de leur souverain très respecté, le prince héritier a annoncé que son père, malade, ne s'exprimerait pas comme prévu.

«Sa Majesté le roi est légèrement souffrant», a dit le prince héritier Maha Vajiralongkorn, 56 ans, alors que plus de 20 000 invités attendaient l'apparition de Bhumibol dans sa résidence officielle à Bangkok.

La princesse Maha Chakri Sirindhorn, 53 ans, fille du roi, a dit que l'état de santé du monarque n'était «pas sérieux».

«Il ne peut pas manger et il a reçu une injection intraveineuse de solution saline. Il a beaucoup de mucosités, ce qui l'irrite et le fatigue, mais il n'a pas de fièvre», a-t-elle précisé.

Le roi avait pourtant présidé mardi, en grand uniforme, le défilé militaire annuel précédant son anniversaire, mais il était apparu fatigué.

Cette année, tout le monde guettait les remarques souvent sibyllines du souverain à qui la Constitution impose un devoir de réserve depuis l'abolition de la monarchie absolue en 1932.

L'annulation inopinée de l'adresse royale est intervenue alors que la Thaïlande traverse une grave crise politique, ponctuée de violences et qui a culminé le 25 novembre avec l'occupation des deux aéroports de Bangkok par des manifestants antigouvernementaux.

Leur action, qui a duré huit jours, s'est achevée mercredi au lendemain du départ forcé du Premier ministre Somchai Wongsawat sur ordre de la Cour constitutionnelle.

Elle a cependant entaché l'image de la Thaïlande et porté un rude coup au tourisme, l'un des piliers de son économie.

La fermeture des aéroports de Bangkok avait piégé en Thaïlande quelque 350.000 passagers, dont de nombreux étrangers.

Le trafic a progressivement repris mercredi et plus de 100 avions devaient atterrir ou décoller jeudi à l'aéroport de Suvarnabhumi qui gère d'ordinaire 700 vols quotidiens, selon des responsables aéroportuaires.

Mais un retour complet à la normale n'est prévu qu'à partir de vendredi, selon l'autorité des Aéroports de Thaïlande.

Les conséquences économiques sont d'ores et déjà désastreuses pour le royaume et les pertes se chiffrent en milliards de dollars.

La Thai Airways a estimé les siennes à 560 millions de dollars et envisage des poursuites judiciaires contre les meneurs de l'agitation en vue d'obtenir réparation.

Selon des médias, Thai Airways a dû annuler un millier de vols.

L'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont demandé jeudi aux autorités thaïlandaises de prendre «toutes les mesures nécessaires» pour renforcer la sécurité dans les aéroports afin d'empêcher une réédition du blocus.

Les opposants royalistes de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) avaient mis fin à leurs occupations après un ordre de dissolution du parti au pouvoir émanant de la Cour constitutionnelle qui a également exclu le Premier ministre de la vie publique pendant cinq ans dans un dossier de fraude électorale.

Mais la crise politique semble loin d'être réglée alors que le camp gouvernemental, déjà regroupé dans un nouveau parti, pourrait faire élire un successeur à M. Somchai, vraisemblablement lundi ou mardi, au Parlement, selon des journaux.

La PAD a prévenu qu'elle s'opposerait à la nomination d'un proche de M. Somchai et surtout de son mentor, Thaksin Shinawatra, l'ex-Premier ministre actuellement en exil et condamné dans son pays pour corruption.

Renversé par l'armée en 2006, M. Thaksin, dont M. Somchai est le beau-frère, reste populaire parmi les masses rurales du nord et du nord-est mais il est abhorré par l'aristocratie et une partie de la classe moyenne de Bangkok et du sud.