Un ex-prisonnier politique a remporté la première élection présidentielle démocratique aux Maldives en battant un chef d'Etat jugé autocratique après 30 ans de règne dans cet archipel de l'océan Indien.

L'opposant Mohamed Anni Nasheed, 41 ans, que ses partisans comparent à Nelson Mandela, a recueilli 54,2% des voix contre 45,7% à Maumoon Abdul Gayoom, 71 ans, a annoncé mercredi la commission électorale, au lendemain d'un scrutin inédit au suffrage universel direct.

Gayoom, que ses opposants rapprochent de Robert Mugabe ou de Fidel Castro pour s'être «accroché» au pouvoir depuis 1978, a reconnu sa cuisante défaite et «félicité» son tombeur auquel il a promis son «soutien complet».

Nasheed l'a remercié pour cet «exemple de démocratie» après avoir pris sa revanche sur celui qui l'avait fait emprisonner six ans au total dans les années 1990, ce qui lui a valu le titre de «détenu d'opinion» octroyé par Amnesty International.

Dès l'aube, des milliers de sympathisants du nouveau chef de l'Etat ont brandi des drapeaux jaunes, déferlé en voiture dans Malé, la capitale la plus densément peuplée du monde, pendant que bon nombre de jeunes s'embrassaient sur la promenade du front de mer.

Dans cet archipel corallien situé au sud de l'Inde, «le peuple a tout simplement voté pour le changement», a résumé le député Ibrahim Ismaël. «Emprisonné trois fois ces deux dernières années, j'étais déterminé à ce que cela change et c'est vraiment la jeunesse qui a rendu cela possible», a renchéri un journaliste âgé de 20 ans, Ibrahim Mohamed.

Fathimath Niusha, une institutrice de 27 ans, s'est montrée excitée à l'idée de «voir comment cela se passera avec un nouveau président» car «je n'ai connu que Gayoom» aux commandes de cet ancien protectorat britannique.

Celui que ses ennemis dépeignent comme un «vieux sultan despote» devait «s'en aller pour poursuivre les réformes politiques et économiques», a poursuivi le député Ismaël, prévenant cependant que le nouveau président aura «fort à faire».

Nasheed, élevé au Sri Lanka et en Grande-Bretagne, est considéré comme un modéré. Il a promis de réformer la République laïque des Maldives de 360.000 musulmans sunnites, disséminés sur 1.192 îles et atolls aux célébrissimes eaux couleur turquoise et plages de sable blanc.

Car derrière cette vitrine paradisiaque pour vedettes et touristes fortunés, la classe politique est gangrenée par la corruption et la jeunesse ravagée par la drogue. Nasheed s'est engagé à s'attaquer à ces fléaux tout en améliorant les infrastructures et en réduisant le train de vie de l'Etat.

Ce triomphe électoral consacre un processus de libéralisation amorcé en 2004 sous la pression de la rue, mais grâce aussi à la bonne volonté de Gayoom.

«Nous savions que le peuple voulait passer à autre chose, mais sans imaginer que cela irait aussi vite. C'est un cauchemar», a déploré un membre du camp de l'ex-président. Ce dernier rêvait d'un septième quinquennat après être sorti largement en tête du premier tour du 8 octobre.

Mais il n'a pas convaincu lorsqu'il se targuait d'avoir bâti l'économie la plus prospère d'Asie du Sud, d'être le garant de la stabilité et à l'avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique et la montée des océans qui menace d'engloutir une partie des Maldives.

Ce vétéran en politique a déjà essuyé trois tentatives de coup d'Etat et a échappé en janvier à une tentative d'assassinat par un inconnu armé d'un couteau.

Le pays a aussi été éclaboussé par le terrorisme islamiste qui touche toute la région, lorsque, le 29 septembre 2007, le premier attentat de l'histoire des Maldives avait blessé 12 touristes étrangers à Malé.