(Bogotá) Le président du Sénat colombien a annoncé avoir mis à l’abri sa famille à l’étranger après des menaces de mort à leur encontre, en plein débat national sur les négociations en cours avec les narcotrafiquants.

« À l’aéroport, je dis au revoir au dernier de mes enfants qui quitte le pays avec tous ses frères et sœurs pour des raisons de sécurité », a expliqué vendredi sur Twitter, photo à l’appui, le sénateur de centre gauche Roy Barrera.

« Toute ma famille est hors du pays, […], ils perdent leur temps avec des menaces de mort », a-t-il commenté, remerciant la justice d’avoir « identifié et agi opportunément » contre l’un des auteurs de ces menaces.

Et de souligner : « je me sens maintenant plus tranquille pour pouvoir affirmer ma position contre les narcos de ce pays : […] ils doivent être traduits devant la justice ordinaire », et non devant la Juridiction spéciale pour la paix (JEP), a souligné M. Barrera.

Personnalité influente du nouveau pouvoir de gauche, Roy Barrera est un vieux routier de la politique colombienne ayant joué un rôle clé pour former l’actuelle majorité parlementaire soutenant le président Gustavo Petro.

Ces derniers jours, il avait laissé entendre son opposition à des négociations trop généreuses avec les narcotrafiquants, alors que le président Petro, dans le cadre de son ambitieux plan de « paix totale » pour le pays, négocie avec les groupes armés et entend obtenir la soumission des narcotrafiquants à la justice en échange d’avantages juridiques.

Un projet de loi pour encadrer ces négociations est en cours de préparation.

L’une des exigences des narcotrafiquants impliqués dans ces discussions serait de répondre de leurs actes devant la JEP, institution spéciale née de l’accord de paix qui a mis fin en 2016 au conflit avec la guérilla marxiste des FARC. La JEP accorde des peines alternatives à la prison pour ceux qui avouent leurs crimes et paient des réparations aux victimes et à leur famille.

« Avec les narcotrafiquants, on ne négocie pas les lois, on ne fait pas d’accord de paix », réaffirme dimanche M. Barrera, dans un entretien à l’hebdomadaire Semana, fustigeant au passage les « intermédiaires » et « nuées d’avocats » qui exploitent « les intentions nobles du président » Petro.

Le sujet a par ailleurs été au centre de plusieurs passes d’armes ces dernières semaines entre le président Petro, et le procureur général de la nation, Francisco Barbosa, qui a publiquement exprimé son opposition à une trop grande clémence envers les narcotrafiquants, et à certaines modalités du cessez-le-feu annoncé par le gouvernement dans les régions où opère notamment le Clan del Golfo, le plus grand gang criminel du pays.

Dimanche, dans un entretien à la presse, M. Barbosa réaffirme que « sans le parquet, il ne se sera pas possible de mettre en place ce processus de soumission » des narcotrafiquants.

« Paix et justice transitionnelle pour les guérillas. Paix et soumission, avec la prison, pour des acteurs tels que les paramilitaires et les narcotrafiquants », souligne encore le Procureur général.

Dans le cadre de la future loi sur la « paix totale », l’exécutif a demandé la suspension des mandats d’arrêt contre des trafiquants, dont des membres du Clan del Golfo. Le procureur Barbosa a affiché là aussi son opposition à cette recommandation.

Après avoir rencontré le 28 janvier aux États-Unis son homologue américain Merrick Garland, il a fait part ce dimanche des inquiétudes de la justice américaine, qui demande l’extradition de plusieurs de ces criminels recherchés. Il a assuré par ailleurs avoir un « soutien total » de cette même justice de l’allié américain.