(San Salvador) La nouvelle prison du Salvador où seront détenus 40 000 criminels des « maras » est un « élément essentiel » dans la guerre déclarée voici dix mois à ces bandes criminelles qui sèment la terreur dans le nord de l’Amérique centrale, a assuré mercredi le président Nayib Bukele.

En dépit des critiques des ONG de défense des droits de l’Homme pour les abus commis, la « guerre contre le crime » vaut au président Bukele une écrasante popularité.

« Hier (mardi) nous avons inauguré le Centre de Confinement du Terrorisme » (CECOT), un « gigantesque travail réalisé en seulement sept mois et qui est en outre un élément essentiel pour la victoire totale dans la guerre contre les gangs », s’est félicité le chef de l’État salvadorien sur son compte Twitter.

Nayib Bukele avait au départ annoncé que cette geôle géante devait être terminée en septembre.

La gigantesque prison, édifiée dans une zone écartée à 74 kilomètres au sud-est de la capitale San Salvador, est présentée par les autorités comme « la plus grande de toute l’Amérique ». Une chaîne de télévision nationale a montré mardi soir le chef de l’État qui inspectait le pénitencier.

« Sécurité maximale »

Dotée de technologies de pointe, la prison « de sécurité maximale » a été construite pour un budget non révélé dans le cadre du régime d’exception en vigueur depuis la fin du mois de mars 2022 pour lutter contre les « maras ».

Le pénitencier, ceint d’un mur électrifié de 11 mètres de haut sur plus de deux kilomètres avec sept miradors, compte une douzaine de bâtiments édifiés sur 23 des 166 hectares qu’il occupe, a expliqué le ministre des Travaux publics Romeo Rodríguez.

PHOTO HANDOUT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Nayib Bukele (au centre)

Les murs sont en béton renforcé et les fenêtres des cellules sont dotées de barreaux d’acier tandis que caméras et scanneurs corporels complètent la sécurité du pénitencier qui sera surveillé nuit et jour par 600 militaires et 250 policiers. Des équipements électroniques bloqueront les signaux des téléphones portables, empêchant toute communication des prisonniers.

Des gardiens de prison armés de pistolets et de fusils d’assaut doivent assurer l’ordre dans la prison elle-même.

« Tous les terroristes qui ont orchestré le deuil et la souffrance du peuple salvadorien purgeront leur peine dans le CECOT (en étant soumis) au régime le plus sévère », s’est félicité le vice-ministre de la Justice et de la Sécurité publique Osiris Luna.

Les détenus devront travailler pour « réparer une partie du mal qu’ils ont causé à la société », a-t-il ajouté.

Le président Bukele a dénoncé le laxisme des gouvernements précédents qui, a-t-il assuré, permettaient aux gangsters d’être détenus avec « des prostituées, des PlayStation, des téléphones cellulaires, des ordinateurs ».

En permanence en cellule

Un responsable a expliqué au président salvadorien au cours de la visite que les détenus seront enfermés en permanence dans leurs cellules dont les portes entièrement grillagées permettront de les surveiller. Selon les images montrées par la télévision les cellules de six mètres sur quatre sont meublées de trois lits métalliques comptant chacun trois couchettes superposées, et sont équipées de deux lavabos et deux toilettes.

La mauvaise conduite des détenus pourra être punie par l’enfermement dans des cachots totalement fermés et plongés dans l’obscurité.

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Le pénitencier comporte bien des réfectoires, des salles de repos, des salles de sport et des tables de ping-pong… à l’usage exclusif des gardiens.

Comme tout transfert vers un tribunal sera interdit, des salles sont prévues pour des audiences par visioconférence.

Le gouvernement n’a pas indiqué à quelle date le pénitencier recevra ses premiers détenus. Pour le moment, près de 63 000 présumés « mareros » ont été arrêtés sous le régime d’exception qui autorise des arrestations sans mandat judiciaire, adopté et renouvelé régulièrement par le parlement depuis une vague de 87 assassinats en seulement trois jours fin mars 2022.

« Honte pour le pays »

Le directeur de la Commission des droits de l’homme du Salvador, Miguel Montenegro, qualifie le pénitencier de « honte pour le pays » : « Le gouvernement se vante d’avoir la plus grande prison d’Amérique latine, ce qui n’est pas un motif de fierté alors que cela comporte des risques de surpopulation et de violence ».

De son côté, Andreu Oliva, le recteur de l’Université centroaméricaine (jésuite) plaide pour un travail de « réhabilitation » des détenus, car, dit-il, « ils méritent une seconde chance ». « La fonction du système pénitentiaire c’est de changer les personnes », insiste l’universitaire.

La semaine dernière l’organisation de défense des droits Humans Rights Watch a dénoncé une « surpopulation extrême » dans la vingtaine de centres de détention du Salvador, qui totalisent théoriquement 30 000 places, sans le nouveau pénitencier.