(Quito) Le président équatorien Guillermo Lasso a suspendu mardi le dialogue avec les leaders indigènes à la tête du mouvement contre la cherté de la vie, après la mort d’un soldat dans l’est de l’Équateur, laissant augurer une poursuite du bras de fer entre l’exécutif et les manifestants.

Un convoi militaire qui protégeait des camions-citernes sortant d’une raffinerie a été attaqué à l’aube par un groupe armé dans la partie amazonienne du pays, a annoncé l’armée dans la matinée, faisant état d’un militaire tué et de douze blessés dans cet « acte terroriste » commis avec des armes à feu et des lances.

Le chef de l’État conservateur a réagi à cette « attaque criminelle » dans une courte allocution : « Nous ne nous assiérons pas à nouveau pour dialoguer avec Leonidas Iza qui ne défend que ses intérêts politiques et non ceux de sa base ».

Leonidas Iza est le chef de la puissante Confédération des nationalités indigènes (Conaie), le fer de lance des manifestations pour exiger notamment une baisse des prix des carburants, qui paralysent l’Équateur depuis plus de deux semaines.  

Outre le soldat tué, cinq manifestants ont péri dans des violences avec les forces de l’ordre et plus de 500 personnes, civils ou membres des forces de sécurité, ont été blessées.

« Opportuniste »

« Le pays a été témoin de tous les efforts que nous avons déployés pour établir un dialogue fructueux et sincère […]. À nos frères et sœurs indigènes, vous méritez mieux qu’un dirigeant opportuniste qui vous a trompés », a lâché le président Lasso.

« Nous sommes prêts à répondre à vos demandes […] Mais nous n’allons pas négocier avec ceux qui retiennent l’Équateur en otage ou ceux qui attaquent nos forces de sécurité et jouent avec la santé et la vie des Équatoriens », a-t-il ajouté.

« Ce n’est que lorsqu’il y aura des représentants légitimes de tous les peuples et de toutes les nationalités de l’Équateur, qui cherchent de vraies solutions et sont ouverts à un dialogue réel et franc, que nous reviendrons à la table du dialogue », a-t-il posé comme condition.

La Conaie a immédiatement réagi à la mise en cause de son chef Leonidas Iza, disant : « Le gouvernement rompt le dialogue, confirmant son autoritarisme, son manque de volonté ».  

« Nous tenons Guillermo Lasso pour responsable des conséquences de sa politique belliciste […] Lasso ne rompt pas avec Léonidas, il rompt avec le peuple », a tonné l’organisation sur Twitter.

Le matin même, le gouvernement ne s’était pas présenté aux discussions entamées la veille à Quito avec les représentants indigènes, dont M. Iza, qui se déroulent dans une annexe de la grande Basilique catholique de la capitale.  

« Provocation »

Déjà assis à la table des négociations, M. Iza a dénoncé au micro les « attaques » de la police qui servent de « prétexte » pour interrompre les discussions.  

Il a posé comme condition à une reprise des négociations « la mise en place immédiate d’une commission indépendante pour établir les faits et les responsabilités » dans les évènements de la nuit, exigeant que le gouvernement cesse toute « provocation ».

Après plus de deux semaines de blocages et plusieurs épisodes de violences, dont deux tentatives d’intrusion des protestataires dans l’enceinte du Parlement, représentants indigènes et délégation gouvernementale devaient pourtant mardi avancer vers une sortie de crise.

En signe de bonne volonté, le gouvernement a réduit dimanche le prix de l’essence et du diesel de 10 cents de dollar, mais les indigènes jugent « insuffisante » cette première baisse. Il a aussi mis fin samedi à l’état d’urgence décrété une semaine auparavant dans six des 24 provinces.  

Quito, où sont rassemblés une dizaine de milliers de manifestants indigènes selon la police – leur nombre est évalué à quelque 14 000 dans l’ensemble du pays –, est au cœur du mouvement.

Lance ou bouclier à la main, brandissant le drapeau équatorien, des groupes de dizaines manifestants circulaient mardi dans la capitale, autour de deux universités et d’un centre culturel leur servant de base, ainsi que dans le quartier de la Basilique. En début d’après-midi, ils obligeaient des commerces à baisser le rideau.

Guillermo Lasso, au pouvoir depuis mai 2021, est également menacé de destitution. L’opposition parlementaire, majoritaire mais divisée, le rend responsable de la « grave crise politique » qui secoue l’Équateur.  

Le débat sur une éventuelle destitution a repris au Parlement. Une fois les débats clos, les députés auront 72 heures pour voter. Une majorité de 92 voix sur 137 est nécessaire pour obtenir une telle destitution.

Des mobilisations passées du mouvement indigène ont provoqué la chute de trois présidents entre 1997 et 2005.