(Quito) Hausse des prix, pénuries, marchés déserts : en Équateur, 14 jours après le début des manifestations des indigènes contre la cherté de la vie, les conséquences commencent à se faire sérieusement sentir sur l’économie comme sur le quotidien des habitants.

Les poivrons pourris s’effritent dans les mains de Mariana Morales. Après une semaine sans avoir pu ouvrir son étal sur le marché populaire de Santa Clara, dans le nord de Quito, cette commerçante se désespère.

Là où les fruits et légumes débordaient autrefois, le marché de Santa Clara n’est plus aujourd’hui que plateaux vides et étals recouverts de bâches.

À 400 km de là, à Guayaquil (sud-ouest), deuxième ville et capitale économique du pays, les denrées alimentaires andines telles que les pommes de terre et le maïs manquent déjà.

« La situation est difficile parce qu’il n’y a plus personne pour apporter la nourriture des hauts plateaux », explique Rosa, une femme indigène qui vend des légumes sur un marché du port depuis 15 ans.

Près de 14 000 manifestants autochtones sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants, d’après la police.

Si tous les regards se concentrent sur la capitale, où leur nombre serait proche des 10 000, avec des affrontements quotidiens avec les forces de l’ordre depuis une semaine, de nombreux barrages et barricades bloquent les principales routes du pays, notamment le cordon ombilical de la Panaméricaine.

Rupture de stock

Depuis le début de ces blocages routiers, le Terminal de Transferencias de Víveres (TTV), seul marché de gros de Guayaquil, est en rupture de stock.

Chaque jour, ce centre d’approvisionnement reçoit en temps normal près de 3000 camions de vivres en provenance des hauts plateaux andins, un chiffre qui a chuté de près de 70 %.

À Quito, dont les principales voies d’accès sont bloquées par intermittence, les autorités tentent de faire passer les camions sous la protection de l’armée et de la police. C’est dans l’attaque de l’un de ces convois jeudi que 17 militaires ont été blessés.

À l’image de cinq autres marchés de la capitale, le marché de Santa Clara, en raison de sa proximité avec l’un des points névralgiques des manifestations, a dû fermer pendant quatre jours et n’a repris partiellement ses activités que samedi.

« Le poivron était tout neuf et maintenant il est perdu », peste Mme Morales, en plongeant ses doigts dans ses légumes pourris. Cette femme de 69 ans ne s’est pas rendue sur les marchés de gros pour s’approvisionner, du fait de l’explosion des prix. « Un sac de carottes qui coûtait 25 dollars vaut maintenant 100 dollars », s’esclaffe la commerçante.

La hausse des prix des denrées alimentaires touche également les consommateurs, qui éprouvent des difficultés à se procurer des produits tels que les œufs, le poulet et le gaz domestique.

Mme Morales dit que cela lui donne « mauvaise conscience » de faire payer ses clients un dollar pour juste une tige d’oignon.

« Tout est trop cher. Avant, on me vendait un kilo de tomates pour 0,50 dollar, maintenant cela me coûte un dollar », explique Silvana Quimi, femme au foyer de Guayaquil, où les prix de l’alimentaire ont doublé en une semaine.

Dans la capitale, la situation est similaire. D’un dollar, la grappe de bananes est passée à deux dollars. « Nous sommes pourtant dans un pays producteur de bananes. Aujourd’hui elles n’arrivent plus (en ville), et ce qui est disponible coûte un bras et une jambe », grogne Agustin Pazmiño, commerçant de 56 ans.

Le président conservateur Guillermo Lasso, « pendant la campagne, nous promettait le paradis, mais nous vivons en enfer », peste-t-il, déplorant, comme les manifestants, la hausse des prix des carburants : + 90 % en un an pour le diesel, +46 % pour l’essence.

Le gouvernement estime qu’il perd 50 millions de dollars par jour en raison des manifestations. Il fait valoir que la baisse des prix des carburants exigée par les autochtones coûterait à l’État plus d’un milliard de dollars par an en subventions.