(Ciudad Tecún Umán) Pour éviter d’attirer l’attention de la police au Guatemala, les migrants clandestins qui tentent de rejoindre les États-Unis avancent désormais en petits groupes. Certains voyagent avec des amis et d’autres, comme Gilberto, un Vénézuélien de 27 ans, avec leur chien.  

« La situation économique est très difficile là-bas [au Venezuela], on s’en va. Le salaire ne nous permet de rien acheter, tu dois tout acheter en dollars et on te paie en bolivar qui ne vaut rien », explique Gilberto Rodriguez, dans la ville de Tecun Uman, à la frontière avec le Mexique.  

Pour moins d’un dollar, il est possible depuis cette ville de traverser en dix minutes sur une embarcation précaire le fleuve Suchiate, qui marque la frontière avec le voisin mexicain.  

Gilberto est parti avec Negro, son chien qui l’accompagne depuis son départ de Caracas il y a deux mois. Avec lui, le Vénézuélien a survécu à la dangereuse jungle du Darien, entre la Colombie et le Panama, puis traversé le Costa Rica, le Nicaragua, le Honduras et enfin le Guatemala.  

Un interminable voyage de plusieurs milliers de kilomètres, à travers huit pays, et qu’il rêve de poursuivre jusqu’aux États-Unis.  

La justice américaine vient pourtant d’empêcher la levée d’une mesure sanitaire mise en œuvre par le gouvernement de Donald Trump pendant la pandémie de COVID-19 pour pouvoir expulser sans délai les migrants franchissant sans visa les frontières terrestres des États-Unis.

Contrairement à la situation d’il y a plusieurs mois, où les migrants s’entassaient dans les villes frontalières avec le Mexique, ils se font plus rares désormais. Sur les routes du Guatemala, la police veille et contrôle systématiquement les autocars pour vérifier les papiers des passagers.  

Les migrants se déplacent alors en « groupes plus petits » qui tentent rapidement d’entrer au Mexique, explique Alejandra Godinez, du Bureau d’accueil du migrant à Tecun Uman. « Ils se divisent en plusieurs groupes puis se retrouvent du côté mexicain ».  

Dissuader les « caravanes »

Rubén Méndez, le maire d’Ayutla, la commune où se trouve Tecun Uman, est convaincu que les opérations de la police guatémaltèques évitent désormais que les migrants forment de nouvelles « caravanes », ces cohortes de centaines ou milliers de migrants qui, depuis 2018, avaient l’habitude de traverser le pays en provenance du Honduras.  

Entre janvier et mai, le Guatemala a aussi expulsé 303 ressortissants d’Amérique centrale, ainsi que 69 Vénézuéliens, 165 Cubains et 86 personnes d’autres nationalités.  

Photo JOHAN ORDONEZ, archives Agence France-Presse

Des migrants en provenance du Honduras sont dispersés par les forces policières, au Guatemala.

La dernière « caravane » d’environ 500 migrants avait rapidement été dispersée en janvier lorsqu’elle était entrée au Guatemala. Un an auparavant, 7000 personnes avaient été repoussées à coups de matraque et de gaz lacrymogènes.  

Son sac à dos sur les épaules, Gilberto explique que son objectif au Guatemala a été d’échapper aux patrouilles policières qui en profitent pour « nous prendre de l’argent ».  

Sur le chemin, accompagné de son chien, un bâtard au pelage noir et blanc, Gilberto a vécu de la solidarité. Ils ont souvent partagé le même plat. Ils ont parfois dormi dans la rue, car les refuges pour migrants n’acceptent pas toujours les animaux.

La veille de la traversée du fleuve, Gilberto, son chien et neuf autres migrants font une pause dans la Maison du migrant, une organisation humanitaire.  

« Nous avons traversé des montagnes, des fleuves, des canyons » et fait face « à la police qui nous vole », raconte Moisés Ayerdi, un Nicaraguayen de 25 ans qui dit fuir la pauvreté et la répression politique dans son pays où il a laissé son épouse et une fillette de trois ans.  

Tous veulent trouver du travail aux États-Unis pour envoyer de l’argent à leur famille puis les faire venir auprès d’eux.  

Sur le fleuve Suchiate, le radeau fait de pneus est manœuvré par un passeur grâce à une longue perche. Une fois sur le sol mexicain, le chien Negro saute des bras de son maître et emprunte le sentier qui quitte la rive. Lui aussi « est un migrant », sourit Gilberto.