(Santiago du Chili) Une décennie de sécheresse pousse les autorités de Santiago du Chili à réfléchir à la meilleure façon d’éviter les rationnements de l’eau : économies, plantation de végétation autochtone et plans de restrictions cherchent à anticiper une rareté persistante.

Le centre du Chili est frappé par une sécheresse installée depuis plus d’une décennie. Le déficit pluviométrique de 71 % en 2021 a fait de l’hiver austral dans cette région le plus sec enregistré au XXIe siècle (43 % à l’échelle du pays), selon la Direction météorologique du Chili.

Les prévisions sont tout aussi alarmantes pour le nouvel hiver qui approche avec de faibles pluies prévues autour de la capitale, conséquence du changement climatique.

Sans précipitations suffisantes, les principaux réservoirs, lacs et rivières qui alimentent les 7,1 millions d’habitants de Santiago sont à des niveaux critiques et les autorités se préparent à l’ultime recours : le rationnement.

« On ne peut pas faire tomber la pluie. Cela ne dépend pas de nous, mais nous pouvons nous préparer à une situation extrême. On a connu douze années de sécheresse, il y a donc de réelles probabilités de devoir faire face » à un rationnement de distribution de l’eau, a déclaré la semaine dernière le gouverneur de Santiago, Claudio Orrego, en annonçant la mise en place d’un protocole de trois niveaux d’alerte.

Les deux premiers concernent les réductions des usages non indispensables et la baisse de la pression dans les robinets. Le dernier niveau, « Alerte rouge », implique un rationnement strict « rotatif » par secteurs de la ville sur une période maximale de 24 heures.

Si la population de Santiago a triplé en 50 ans, l’utilisation domestique ne représente qu’environ 10 % de l’eau consommée au Chili, l’agriculture en puisant 70 % et l’industrie 20 %.

Espèces autochtones

Chaque jour, l’ingénieur agronome Pablo Lacalle observe avec inquiétude la diminution du débit de la rivière Mapocho, qui traverse Santiago d’est en ouest sur une trentaine de kilomètres. L’année dernière, il a baissé de 57 %, selon les chiffres officiels.

« Pour nous, c’est une tendance. C’est comme lire le journal le matin, on a une idée de ce qui va se passer dans la journée » pour les besoins en eau, explique M. Lacalle, responsable des ressources hydriques du Parc métropolitain de Santiago (Parquemet).

Couvrant 737 hectares, ce parc est niché sur la colline de San Cristobal, l’une des plus hautes de Santiago, arpentée par plus de six millions de visiteurs chaque année.

Ses vastes pelouses sont irriguées par l’eau de la rivière Mapocho, qui est également le principal arroseur des multiples jardins privés des quartiers cossus de l’est de Santiago.

« On doit planifier notre capacité d’irrigation du parc, car on a un déficit d’eau de 87 % par rapport aux années précédentes », explique M. Lacalle.

Des stratégies sur la réduction des besoins en eau du parc ont déjà été menées et « la forêt exotique est remplacée par une forêt indigène », comme sur le versant nord où 100 000 arbres ont été plantés en trois ans, explique le directeur de Parquemet, Eduardo Villalobos.

Ces réflexions ont, dit-il, permis de réduire les risques « de sécheresse et d’incendies ».

Partout dans la ville des initiatives sont lancées pour économiser l’eau, ce bien devenu précieux.

L’architecte Joaquin Cerda a, lui, lancé le projet « trottoirs natifs » visant à remplacer par 25 différentes plantes autochtones l’herbe qui recouvrait quelque 150 mètres carrés de trottoirs dans le quartier résidentiel de Pedro de Valdivia Norte.

« Il s’agit d’espèces habituées au climat devenu méditerranéen de Santiago, à des périodes de sécheresse prolongées », explique-t-il.

« Nous arrosons une fois par semaine pendant une demi-heure et utilisons un système d’irrigation en goutte-à-goutte », dit-il, soulignant que « la consommation d’eau a ainsi été réduite à moins d’un dixième de ce qu’elle était auparavant ».

L’eau est également au centre des débats en cours pour la rédaction de la nouvelle Constitution du Chili qui sera soumise à approbation en septembre par référendum.

Si l’eau est un bien public national dont la concession est confiée au secteur privé, les membres de l’Assemblée constituante ont approuvé lundi un article stipulant qu’« il s’agit d’un bien commun inaliénable » devant être administré sur une base participative, solidaire et équitable.