(Lima) Le président péruvien Pedro Castillo a annoncé mardi une levée anticipée du couvre-feu en vigueur depuis l’aube à Lima, destiné à contenir les manifestations de transporteurs contre le prix du carburant, mais qui a suscité critiques et incompréhension.

« À partir de maintenant, nous allons lever ce couvre-feu. Il convient d’appeler le peuple péruvien au calme », a déclaré le président de gauche radicale, se tenant au côté de la présidente du Parlement, l’opposante Maria del Carmen Alva, après une réunion avec les parlementaires.  

« Les mesures prises, comme celles d’hier (lundi), ne sont pas contre le peuple, mais pour protéger la vie de nos compatriotes », a ajouté M. Castillo, un ancien instituteur et syndicaliste de 52 ans qui affronte son premier conflit social depuis son élection en juillet 2021.  

Le couvre-feu était en vigueur depuis l’aube dans la capitale et le port voisin de Callao où vivent 10 millions de personnes. Il devait être initialement maintenu jusqu’à minuit.  

Sa levée a été accueillie par des cris de joie par les centaines de manifestants rassemblés non loin du Parlement et dans plusieurs quartiers de la capitale, ont constaté des journalistes de l’AFP.  

« Le président Castillo annonce la levée du couvre-feu. Le peuple a rendu cela possible ! », a tweeté Maria del Carmen Alva.

Annoncé lundi soir à la télévision par le président, le couvre-feu avait créé la surprise, les manifestations de transporteurs contre la hausse du prix du combustible s’étant déroulées à l’extérieur de la capitale.

Mardi des habitants ont manifesté dans plusieurs quartiers de Lima avec des banderoles « Castillo dehors ! » et en tapant sur des casseroles, forme traditionnelle de protestation en Amérique latine.

« Nous défilons contre les mesures de Castillo. Le peuple sans travail, avec un couvre-feu, on en a marre ! », a déclaré à l’AFP Nelson del Carpio.

Des heurts se sont poursuivis mardi soir à Lima devant le Parlement. Un groupe de protestataires a fait irruption dans le palais de justice voisin, provoqué des dégâts et soustrait du matériel informatique, selon le ministère de l’Intérieur. Vingt-cinq policiers ont été blessés.  

Face aux critiques, le chef de l’État avait décidé de rencontrer les représentants de l’opposition qui détiennent la majorité au Parlement pour « discuter et considérer une sortie de crise ».  

Long confinement

Le couvre-feu est intervenu alors que l’économie péruvienne peine à se relever du très long confinement imposé par les autorités pour contenir la pandémie de coronavirus et que de nombreux habitants de Lima survivent de travaux informels et de petits étals de rue.

La grande majorité des commerces et les écoles sont restés fermés et les transports publics ont été suspendus. Mais malgré le déploiement de policiers et de militaires, de nombreux habitants n’ont pas respecté la mesure qui a suscité l’incompréhension.

« C’était une mesure très tardive et improvisée », s’est plainte Cinthya Rojas, une nutritionniste hospitalière à un arrêt de bus dans la municipalité d’Agustino, dans l’est de Lima.

L’ex-candidate à la présidentielle de gauche, Veronika Mendonza, dont le parti avait collaboré au début de son mandat avec le chef de l’État, a exprimé son « rejet total d’une mesure arbitraire et disproportionnée ».  

« Nous avions des informations selon lesquelles il allait y avoir des actes de vandalisme. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette mesure », s’est justifié le ministre de la Défense, José Gavidia.  

M. Castillo a échappé récemment à une deuxième procédure de destitution du Parlement où l’opposition fustige son manque de gouvernance, et accuse son entourage de corruption.

Des affrontements entre manifestants et police ont eu lieu lundi dans plusieurs régions du Pérou en marge d’une grève des transporteurs contre la hausse du coût du carburant et des péages, ainsi que des denrées alimentaires.

L’autoroute panaméricaine, qui relie Amérique du Sud aux États-Unis via l’Amérique centrale, a été bloquée aux nombreux camions qui l’empruntent et des postes de péage ont été incendiés.

Le gouvernement avait supprimé la semaine dernière un impôt sur les carburants dans un souci d’apaisement et également décrété une augmentation de 10 % du salaire minimum qui atteindra l’équivalent de 277 dollars à partir du 1er mai.

Des mesures insuffisantes pour la Confédération générale des travailleurs péruviens (CGTP), le principal syndicat du pays, qui a appelé à de nouveaux rassemblements jeudi.