(Tegucigalpa) L’ex-président hondurien Juan Orlando Hernandez, réclamé par la justice américaine qui le soupçonne d’être lié à un trafic de 500 tonnes de cocaïne, a été placé mercredi en détention provisoire pour au moins un mois par le juge de la Cour suprême qui l’a entendu sur la demande de son extradition aux États-Unis.

Au lendemain de son arrestation à Tegucigalpa, l’ancien chef de l’État (2013-2022) a été entendu mercredi matin une première fois par le juge chargé d’examiner les informations transmises par Washington pour motiver sa demande.  

Celui-ci a rejeté la requête en détention domiciliaire présentée par la défense et « a décidé d’ordonner la détention provisoire […] afin de garantir la présence » de M. Hernandez lors d’une deuxième audience, fixée au 16 mars, a indiqué le porte-parole de la Cour suprême, Melvin Duarte.

D’ici là, les États-Unis devront remettre au juge « les preuves à l’appui de la demande d’extradition […] et les peines attachées aux charges imputées à M. Hernandez », a-t-il ajouté.

Juan Orlando Hernandez, 53 ans, surnommé « JOH », est accusé par la justice américaine d’avoir facilité entre 2004 et 2022 le passage de quelque 500 tonnes de cocaïne par le Honduras, en sachant que la drogue était destinée aux États-Unis, a déclaré dans un communiqué l’ambassade des États-Unis à Tegucigalpa.

Il aurait également reçu des « millions de dollars » de pots-de-vin de narcotrafiquants pour empêcher toute enquête, détention ou extradition à leur encontre.  

En 2013, année de son élection à la tête du pays, il aurait reçu un million de dollars du célèbre criminel mexicain Joaquin « Chapo » Guzman.

L’ex-président doit répondre de trois chefs d’accusation : « association de malfaiteurs en vue d’importer une substance contrôlée aux États-Unis », « utilisation ou port d’armes à feu » et « association de malfaiteurs pour l’utilisation ou le port d’armes à feu […] dans la poursuite d’un projet d’importation de stupéfiants » aux États-Unis.  

Enchaîné

M. Hernandez avait été transféré mercredi matin au siège de la Cour suprême du Honduras au milieu d’un imposant déploiement policier, avec le soutien de véhicules blindés et d’un hélicoptère.  

Arrêté mardi dans sa résidence par la police hondurienne en coordination avec plusieurs agences américaines, dont l’Agence antidrogue (DEA), celui qui était encore le chef de l’État il y a moins trois semaines n’a opposé aucune résistance.  

Il a été emmené, enchaîné, dans un commissariat des forces spéciales de la police, où il a passé la nuit.

Des partisans de l’ex-président et de son Parti National (PN, conservateur) s’étaient massés devant la Cour suprême et criaient « tu n’es pas seul ! ».  

La situation était tendue avec un groupe de sympathisants du parti de gauche Libre (au pouvoir) qui manifestaient, au contraire, leur joie de voir l’ancien président comparaître devant la justice.

L’ancien dirigeant de droite a cédé le pouvoir le 27 janvier à la présidente de gauche Xiomara Castro après deux mandats successifs.  

« Narco-État »

L’ex-chef d’État, qui s’est présenté comme un champion de la lutte contre le trafic de drogue pendant ses huit années de mandat (2014-2022), rejette ces accusations et s’était dit « prêt et disposé à collaborer » quelques heures avant son arrestation.

Gangrené par la violence, la corruption et le narcotrafic qui a infiltré les structures de l’État, le Honduras est un des pays les plus pauvres et les plus violents d’Amérique centrale. 74 % des près de 10 millions d’habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté.  

Début février, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait déclaré que l’ex-dirigeant avait « commis ou facilité des actes de corruption et de narcotrafic, et utilisé des gains de ces activités illicites pour des campagnes politiques ».

M. Hernandez est accusé d’être le complice de son frère cadet Antonio « Tony », condamné à la prison à vie pour trafic de drogue à New York (États-Unis) l’année dernière.

Durant le procès de son frère, les procureurs américains ont accusé JOH d’avoir transformé le Honduras en un « narco-État ».  

Un autre proche de l’ancien chef d’État, Geovanny Fuentes Ramirez, condamné à perpétuité la semaine dernière pour narcotrafic à New York, a affirmé pendant l’audience que le président Hernandez lui avait dit qu’ils allaient « mettre la drogue dans les narines des gringos ».  

L’ancien chef d’État a qualifié ces accusations de « vengeance », affirmant avoir fait arrêter et livrer aux États-Unis de nombreux narcotrafiquants.