(Mexico) Après l’accident du métro de Mexico qui a fait 25 morts, les allégations de mauvaise gestion de ce transport public ébranlent la gauche au pouvoir, mais le président Andrés Manuel Lopez Obrador a vigoureusement nié tout rapport avec sa politique.

Fustigeant « l’austérité qui tue », le syndicat patronal Coparmex a accusé mercredi dans un communiqué la mairie de Mexico d’avoir rogné sur « les domaines essentiels et d’importance vitale » comme le métro.

« La maintenance du métro bénéficie d’un budget suffisant, autorisé par l’Assemblée législative de la Ville de Mexico. Qu’est-ce que l’austérité a à voir avec cela ? » a riposté Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) au cours de sa conférence de presse quotidienne.

Le président de gauche, qui refuse d’accorder des aides directes aux entreprises pendant la pandémie de COVID-19 pour donner la priorité au système de santé et aux dépenses sociales, a accusé la Coparmex de « mauvaise foi et d’irresponsabilité », et d’être une association « ultraconservatrice, un secteur très enclin à la corruption ».

Un syndicat de travailleurs du métro a pour sa part affirmé avoir alerté en octobre dernier la mairie de Mexico sur le mauvais état du pont du métro aérien qui s’est effondré lundi, sans avoir été écouté.

« Les travailleurs ont peur, nous n’avons pas de garanties », s’est plaint au quotidien Milenio un responsable de ce syndicat, Jesus Urban.

Pendant que les critiques fusaient, les grues étaient toujours à l’œuvre dans la nuit de mercredi à jeudi pour dégager le site de l’accident dans une zone très pauvre du sud de la capitale où les familles des victimes ont commencé à enterrer leurs proches.

« Je n’ai pas de mots pour décrire la douleur. Je ne suis pas en colère, et ce n’est pas la justice de l’argent qui me ramènera mon père », se lamentait Luis Adrian Hernandez en pleurant son père mort dans l’accident.

« Justice sera faite »

« Justice sera faite », a promis mercredi AMLO. « Rien ne sera plus comme avant », a-t-il insisté. Des propos qui risquent de ne pas suffire pour apaiser la tempête soulevée par cette tragédie qui a ému le monde entier.

Dans l’œil du cyclone, deux dirigeants proches du président : l’actuel ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard, qui a développé et inauguré la ligne en 2012 en tant que maire de la capitale, et Claudia Sheinbaum, qui occupe actuellement ce poste.

Tous deux semblaient pourtant les mieux placés des candidats du parti Morena qui se présenteront à la succession d’AMLO pour les présidentielles de 2024.

Ebrard, 61 ans, a joué un rôle de premier plan dans l’achat de vaccins contre la COVID-19, tandis que Sheinbaum, 58 ans, s’auréole du fait que Mexico affiche de très bons résultats face à la pandémie avec seulement 20 % d’occupation des lits de soins intensifs de la capitale.

L’accident survient aussi un mois avant les législatives du 6 juin durant lequel le parti Morena, au pouvoir depuis 2018, jouera sa majorité à la Chambre des députés.

« Cette catastrophe est incontestablement exploitée sur le terrain politique », explique à l’AFP l’analyste Hernan Gomez Bruera.

La ligne 12, réputée « maudite », « était le joyau d’Ebrard, mais il a volé en éclats », constate pour l’AFP l’analyste Martha Anaya.

La presse mexicaine se charge depuis 48 heures de rappeler le dépassement de 70 % du coût initial du projet inauguré en 2012 pour un total de 1,2 milliard de dollars, et les défaillances constatées dès sa mise en œuvre.

Pour Mme Anaya, les critiques sont d’autant plus fortes qu’AMLO a montré « peu d’empathie » pour les victimes et ne s’est pas rendu dans la zone sinistrée, ni n’a envoyé « un message de condoléances ».

« Le problème de Lopez Obrador est qu’il ne sait pas comment réagir aux tragédies impliquant son peuple, et là il n’a personne à blâmer. Il ne peut tout de même pas mettre les 25 morts sur le compte du néolibéralisme », poursuit-elle.  

Les résultats de l’enquête ouverte par le bureau du Procureur et l’expertise indépendante du cabinet norvégien Det Norske Veritas risquent aussi de mettre à mal le président et son parti, qui ont promis de lutter contre la corruption profondément ancrée dans le pays.

« Motivations politiques »

Pour se défendre d’être lui aussi corrompu, M. Ebrard a assuré que sa responsabilité administrative dans le projet avait pris fin en 2013 et que derrière les accusations se cachaient des « motivations politiques ».  

« Sheinbaum a également eu deux ans et demi pour revoir la structure. Les riverains se plaignaient qu’il y avait des problèmes et elle aurait dû ordonner un examen approfondi », estime Gomez Bruera.

Tentant de faire bonne figure, Mme Sheinbaum s’est refusée mercredi à parler de l’impact éventuel de l’accident sur sa carrière politique.

« Il serait très mesquin de penser maintenant à une question politique », a-t-elle déclaré.  

L’analyste politique Martha Anaya exclut toutefois toute répercussion électorale immédiate.  

« Peut-être qu’à Tláhuac, le quartier où s’est produit l’accident, cela va soustraire des voix, mais c’est tout », a-t-elle estimé.

La ville de Mexico, qui compte 9,2 millions d’habitants, est gouvernée depuis 1997 par la gauche.

Les autorités ont également entamé un examen des lignes de métro qui passent au-dessus des ponts, notamment en raison du sous-sol boueux de Mexico où les tremblements de terre sont fréquents et violents.