(La Havane) Le premier secrétaire du Parti communiste cubain Raul Castro a appelé vendredi à un « dialogue respectueux » entre Cuba et les États-Unis, dans son dernier grand discours à la tête du parti unique.

« Je confirme, à ce congrès du parti, la volonté de nouer un dialogue respectueux, une nouvelle forme de relations avec les États-Unis sans prétendre que, pour y arriver, Cuba renonce aux principes de la révolution et du socialisme », a-t-il déclaré.

Le révolutionnaire de 89 ans s’exprimait au congrès du Parti communiste, qui s’est ouvert vendredi pour quatre jours et marque son départ en retraite pour laisser place à une nouvelle génération.

Les relations entre Cuba et les États-Unis, après une détente historique, mais éphémère entre 2014 et 2016, se sont à nouveau tendues sous l’administration de Donald Trump, qui a durement renforcé l’embargo en vigueur depuis 1962.

PHOTO CUBADEBATE.CU, VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Sur cette photo d’abord diffusée par le gouvernement cubain, les délégués du Parti communiste cubain applaudissent, à son arrivée, Raul Castro,

De son côté, Joe Biden, qui avait promis en campagne de revenir sur certaines sanctions, n’a pas dit un mot sur l’île depuis son investiture.

« L’objectif de ces mesures est d’étendre le siège économique » sur Cuba, « avec comme but déclaré d’étrangler le pays et de provoquer une explosion sociale », a dénoncé Raul Castro, fustigeant cette « guerre économique », selon des images retransmises à la télévision d’État.

Vêtu d’un uniforme militaire, Raul Castro a été ovationné à son arrivée au congrès, à l’issue duquel il doit céder, lundi, le poste de premier secrétaire du parti au président Miguel Diaz-Canel, civil de 60 ans.

« Ma tâche s’achève »

Contrairement aux précédentes éditions, aucune image n’a été diffusée vendredi matin à la télévision, seules quelques photos et vidéos étant partagées au compte-gouttes par les médias d’État via les réseaux sociaux, avant que le journal télévisé ne diffuse des extraits.

Le rendez-vous historique s’est ouvert 60 ans jour pour jour après la proclamation par Fidel Castro du caractère socialiste de la révolution cubaine, désormais « irréversible » depuis l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2019.

« En ce qui me concerne, ma tâche […] s’achève, avec la satisfaction d’avoir rempli mon rôle et avec confiance en l’avenir de la patrie », a indiqué Raul Castro.

Mais « que personne n’en doute : tant que je vivrai, je serai prêt, avec le pied sur l’étrier, pour défendre la patrie, la révolution et le socialisme », a-t-il martelé, sous les applaudissements de quelque 300 délégués du parti venus de tout le pays et réunis au Palais des Conventions de La Havane.

Miguel Diaz-Canel, qui l’a remplacé à la présidence du pays en 2018, sera le premier civil à diriger aussi le parti, au sein duquel il a mené toute sa carrière.

C’est « le congrès de la continuité », a-t-il rappelé via Twitter, soulignant ainsi que les lignes directrices du pouvoir à Cuba, l’un des cinq derniers pays communistes au monde, ne changeraient pas.

Si des réformes économiques sont urgentes, dans ce pays en profonde crise sous l’effet des sanctions américaines et de la pandémie, le dogme du parti unique sera maintenu.

« Le parti constitue la garantie de l’unité nationale », a déclaré José Ramon Machado Ventura, 90 ans, numéro deux du parti, inaugurant le congrès « avec la conviction que nous continuerons à être fidèles à l’héritage de nos martyrs et à l’exemple de Fidel et Raul ».

 « Besoin de plus »

Après la mort de Fidel en 2016, le départ de Raul tourne une page historique pour l’île et ses habitants, dont presque tous n’ont jamais connu d’autre famille dirigeante.

« Raul ne va plus être à la tête du parti, mais en cas de problème Raul sera là, il n’est pas mort », veut croire Ramon Blande, militant communiste de 84 ans.

Dans les rues de La Havane, les Cubains semblent surtout préoccupés par les pénuries alimentaires, les files d’attente face aux magasins et l’inflation vertigineuse provoquée par la récente unification des deux monnaies locales.

« J’espère qu’avec le congrès ça va s’améliorer, car les prix sont très élevés, les salaires ont augmenté […], mais ça ne suffit pas », se lamente Maria Martinez, retraitée de 68 ans.

Ces derniers mois, Cuba vit une grogne sociale inédite, sous l’impulsion de l’arrivée récente de l’internet mobile, avec plusieurs manifestations de divers secteurs de la société civile.

« La sortie du paysage politique actif de Raul Castro est logiquement un tournant historique, plus ou moins visible dans l’immédiat », note le célèbre auteur de polars Leonardo Padura dans une tribune publiée par le site Nueva Sociedad.

« Mais les gens ont besoin de plus. Pas seulement pour parler, mais pour mieux vivre. Je crois qu’après tant de sacrifices, les Cubains le méritent ».