Les hôpitaux du Brésil sont près de la saturation. Les médecins sonnent l’alarme devant la précarité du nombre de lits disponibles, des médicaments nécessaires à l’intubation et de l’oxygène médical, alors que les cas de COVID-19 atteignent maintenant des taux record — la moyenne quotidienne la plus élevée au monde.

« Le système de santé est en train de s’écrouler », lance, au téléphone, Alexandre Kalache, épidémiologiste et président de l’International Longevity Centre Brazil.

Au bout du fil, sa voix trahit la colère, la fatigue et l’inquiétude.

« Le problème, c’est le gouvernement, dit-il. Nous ne devrions pas être dans ce bordel. C’est horrible, ce qui arrive. »

Le président Jair Bolsanaro remet en question la gravité de la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Il s’est opposé à des mesures strictes de confinement.

Des élus ont imposé des mesures sanitaires sur leurs territoires, mais n’ont pas les coudées franches. Le week-end dernier, le président brésilien s’est même inquiété d’une carence en vitamine D des citoyens de Rio de Janeiro lorsque le maire a décidé de fermer l’accès aux plages.

Situation critique

Le Brésil compte 212 millions d’habitants, soit un peu moins de 3 % de la population mondiale. On y retrouve plus de 10 % des morts de la COVID-19 dans le monde.

La situation se détériore depuis plusieurs semaines. Mardi, le parquet a annoncé dans un communiqué que les réserves d’oxygène pour les patients avaient atteint des niveaux « préoccupants » dans six États.

Les hôpitaux dans pratiquement tout le pays ont atteint ou dépassé un taux d’occupation des unités de soins intensifs de 80 %. La semaine dernière, la municipalité de São Paulo a annoncé qu’un patient de 22 ans était mort de la COVID-19, faute de lit disponible aux soins intensifs.

L’institut de santé Fiocruz craint une « catastrophe ».

Variant

Outre l’absence de mesures sanitaires répandues, la virulence du variant P1 pourrait expliquer cette vague de cas.

Selon les observations qu’on a reçues des hôpitaux concernant ce variant, il semble qu’il y ait plus de jeunes avec la maladie, avec des cas plus sévères, qui se détériorent plus rapidement, et le variant semble aussi plus mortel [et serait plus contagieux].

Bernardo Honta, épidémiologiste rattaché à l’Université fédérale de Pelotas, dans le sud du pays, au téléphone

Ce diplômé de McGill, qui participe à une étude nationale, précise qu’il s’agit pour l’instant d’hypothèses.

Le pays craint de revivre la catastrophe de Manaus, dans l’Amazonie, où le nombre de cas en janvier dernier avait explosé.

PHOTO MICHAEL DANTAS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vue de la partie du cimetière Nossa Senhora Aparecida réservée aux morts de la COVID-19, à Manaus

Un problème d’approvisionnement en oxygène médical avait causé des dizaines de morts. Des résidants avaient raconté s’être tournés vers le marché noir pour acquérir des bonbonnes d’oxygène et avoir traité des proches à domicile, pour des soins nécessitant normalement une hospitalisation.

Des spécialistes avaient pourtant spéculé sur une possible immunité de groupe, compte tenu du nombre élevé de personnes infectées l’an dernier.

« Cette immunité de groupe, c’est comme une fantaisie », note Bernardo Honta, qui relève des défauts dans l’analyse de ces chercheurs. Qui plus est, cette croyance d’une protection collective a pu mener à moins de prudence. « Les gens sont allés à la plage, un peu partout, sans prendre de précautions », illustre-t-il.

Inquiétudes pour les proches

Devant les nouvelles alarmantes, les Québécois ayant des proches au Brésil s’inquiètent. Renata Chiaradia a craint le pire lorsqu’elle a appris il y a un mois que son frère de 40 ans, asthmatique, avait contracté la COVID-19. « C’était vraiment épeurant, je me sentais tellement impuissante, raconte au téléphone la femme de 42 ans, habitant à Laval. J’ai aussi appris que le mari d’une amie était mort. Avant, on en entendait parler, mais ce n’était pas proche. Mais là, oui. »

Son frère, qui vit à São Paulo, s’en est remis et n’a pas contaminé leurs parents, avec qui il travaille, un soulagement pour la famille.

PHOTO RICARDO MORAES, REUTERS

Une Brésilienne reçoit un vaccin contre la COVID-19 au planétarium de Rio de Janeiro aménagé en centre de vaccination.

Le pays a commencé sa campagne de vaccination en janvier, un peu plus tard que d’autres pays, parce que le gouvernement brésilien aurait tardé à commander les doses. Plus de 14 millions de vaccins ont été administrés.

Les parents septuagénaires de Maria Julia Guimarães ont reçu leur première dose. « Je parle régulièrement à mes proches, c’est très inquiétant », dit la femme de 46 ans installée au Québec depuis 11 ans et présidente du Centre d’intégration Brésil-Québec.

Elle est préoccupée par la COVID-19, mais aussi par la situation générale : les examens médicaux de sa mère, qui a des ennuis de santé, ont été reportés, compte tenu de la surcharge dans les hôpitaux. « J’aimerais que les gens là-bas croient aux mesures », souligne-t-elle.

La désinformation est aussi vue comme un facteur important du problème au Brésil.

« Nous sommes contaminés par une autre épidémie : les fausses informations », dit en soupirant Alexandre Kalache.

Avec The Guardian, l’Agence France-Presse et Reuters