(Manaus) Les médecins de Manaus aux prises avec le coronavirus s’alarment de la virulence de la deuxième vague qui frappe cet État de l’Amazonas, dans le nord du Brésil, et du nouveau variant qui pourrait être la cause de la mortalité record.

Ce variant avait été détecté le 2 janvier au Japon sur quatre voyageurs arrivant de cet État situé en pleine Amazonie.

Les demandes d’hospitalisation ont explosé et les hôpitaux de Manaus ont rapidement été débordés et confrontés à une pénurie dramatique d’oxygène qui a entraîné la mort d’une centaine de malades de la COVID-19.

Le docteur Ruy Abrahim, qui coordonne les services d’urgence de Manaus, se dit impressionné par la dégradation rapide de l’état de santé des malades.  

Nombre d’entre eux se sont vite retrouvés dans un état critique et un nombre croissant sont morts chez eux avant même l’arrivée des secours. De même, les cas graves se sont multipliés dans toutes les tranches d’âge.

« On fait face à de nombreux cas mortels : quand l’ambulance arrive au domicile, le malade est déjà décédé », dit le médecin à l’AFP. Cela arrive « bien plus que l’an dernier » lorsqu’une première vague avait déjà tourné au cauchemar à Manaus.

Les services d’urgence de la ville reçoivent plus de 1300 appels par jour, dont 80 % pour des difficultés respiratoires. En général, ce sont entre 800 et 1000 appels, pour des traumatismes divers. Et les 37 ambulances de la ville de 2,2 millions d’habitants n’arrivent à répondre qu’à 15 % des appels.

« C’est très angoissant, surtout pour le médecin qui reçoit les appels et comprend que le patient a besoin d’une aide d’urgence, mais n’a pas les moyens de l’aider », ajoute le Dr Abrahim, la voix chargée d’émotion.  

« Il y a des moments où le médecin doit choisir » le patient qu’il assistera, « c’est une situation très difficile ».

« Les patients arrivent avec une saturation en oxygène critique, à des niveaux qui ne sont quasiment plus compatibles avec la survie », ajoute un infirmier qui ne souhaite pas donner son nom.

Préoccupation face au variant

Pour l’épidémiologiste Julio Croda, la réinfection en masse à Manaus, après celle de l’an dernier, pourrait être liée au nouveau variant.

« Cette mutation pourrait expliquer la hausse des transmissions, cela nous préoccupe beaucoup », dit-il à l’AFP.

Une étude scientifique avait laissé penser en septembre que Manaus avait atteint l’immunité collective lors de la première vague.

Mais M. Croda insiste sur les incertitudes concernant la durée de l’immunité après une contamination et la réaction des anticorps face à un variant du coronavirus.

Le variant de Manaus peut tout à fait se retrouver ailleurs au Brésil et « s’il est réellement plus contagieux, nous allons voir une hausse des cas et des morts », avertit l’épidémiologiste.

Cent morts d’asphyxie

« Nous savons que quelque chose de très grave et différent s’est produit dans la transmission entre novembre et décembre », explique à l’AFP l’épidémiologiste Jesem Orellana, de la fondation Fiocruz-Amazonía.  

Mais on ne peut pas en tirer de conclusion hâtive sur un variant plus contagieux, met-il en garde. Et « ce n’est pas nécessairement un variant plus mortel ».

« Manaus a seulement découvert l’existence de ce variant parce que le Japon a appelé. Cela signifie que soit nous ne faisons pas le suivi, soit nous le faisons très mal », dit-il.

« Tout ce que l’on sait c’est que le 14 janvier cent personnes sont mortes asphyxiées en raison de la pénurie d’oxygène », dit Jesem Orellana, un chiffre établi d’après les informations données par les hôpitaux.

Et l’oxygène qui a été parfois fourni à domicile a été donné aux malades par des personnes « non spécialisées », relève-t-il.  

Devant l’hôpital 28 de agosto, spécialisé dans la COVID-19, les dramatiques histoires familiales se répètent.

« Ils soignent mon père dans sa chaise roulante parce qu’il n’y a plus de lit », se lamente Luiza Pereira, qui n’a plus eu de nouvelles depuis deux jours.

Manaus a enregistré 4000 morts du coronavirus, sur les 211 000 déplorés dans tout le Brésil à ce jour.