(Bogota) Un vingtaine de militaires, dont un général, ont reconnu leur responsabilité dans l’exécution dans les années 2000 de centaines de civils ensuite présentés comme des guérilleros tués au combat, a indiqué vendredi la Juridiction spéciale pour la paix (JEP).

Le JEP, un tribunal spécial créé en 2016, « a reçu les aveux de 21 membres de l’armée nationale […] pour l’assassinat » de quelque 247 personnes, a déclaré la juge Catalina Diaz lors d’une conférence de presse.

Ces meurtres de civils ont eu lieu dans la région de culture de la coca de Catatumbo (120), à la frontière du Venezuela, et sur la côte caraïbe (127).

Un autre justiciable, civil, a avoué être un « collaborateur des structures militaires dans leurs agissements illégaux ».

Le tribunal spécial avait inculpé 25 militaires pour leur responsabilité dans l’exécution de sang-froid de jeunes gens, pour la plupart des paysans pauvres, présentés comme tués au combat pour gonfler leurs résultats dans la lutte contre la guérilla et les groupes armés.

En février, la JEP a estimé qu’au moins 6402 civils sont morts ainsi aux mains de militaires entre 2002 et 2008, soit trois fois plus que les estimations données jusque-là par le parquet.  

La révélation de ces « faux positifs », selon l’expression aujourd’hui utilisée, est l’un des plus grands scandales impliquant l’armée colombienne durant sa confrontation avec les guérillas d’extrême gauche.

Le haut commandement militaire et l’ancien président de droite Alvaro Uribe (2002-2008), alors à la tête du pays, ont toujours nié qu’il s’agissait d’une action systématique.

Les militaires tenaient le compte des guérilleros et narcotrafiquants tués et ces résultats « positifs » leur valaient médailles, permissions et promotions. Des milliers de morts étaient en fait de simples civils abattus de sang-froid.

Parmi les militaires qui ont reconnu leur culpabilité figure le général de brigade Paulino Coronado, ancien commandant de la 30e brigade opérant dans la zone frontalière.

Cité par le JEP, le général Coronado a présenté ses « excuses pour la grande douleur causée » par « ces actes exécrables qui ont entrainé la mort de personnes innocentes » et « laissé une profonde désolation parmi leurs proches ».

Né de l’accord de paix de 2016 qui a permis le désarmement de la guérilla marxiste des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), ce tribunal juge les pires crimes de ce conflit qui a duré plus d’un demi-siècle et fait neuf millions de victimes, morts, disparus, kidnappés, mutilés et déplacés.

Selon l’accord de paix, ceux qui avouent leurs crimes et allouent des réparations à leurs victimes bénéficieront de peines alternatives à la prison.

La juge Diaz a précisé vendredi que deux colonels ont nié les accusations à leur encontre et seront donc traduits en justice devant des juridictions classiques. S’ils sont reconnus coupables, ils peuvent être condamnés à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison.

La vingtaine de soldats ayant avoué leurs forfaits seront soumis à une « audience publique », en présence des familles des victimes, où ils devront reconnaître leurs actes de manière « complète », « détaillée » et « exhaustive ».

En janvier, le JEP a également inculpé huit anciens hauts commandants des FARC pour l’enlèvement de 21 396 personnes. Les anciens rebelles, qui ont reconnu leur responsabilité devant le tribunal, n’ont pas encore reçu leur sanction.

Le tribunal prévoit de rendre ses premières sentences en 2022.