(Caracas) Juan Guaidó met au défi le chef de l’État vénézuélien Nicolas Maduro d’organiser au plus vite une élection présidentielle crédible, persuadé que l’opposition qu’il dirige la remporterait haut la main.

« Je le mets au défi », affirme dans un entretien avec l’AFP, mercredi dans son appartement de Caracas, celui qui est reconnu comme président par intérim par une cinquantaine de pays, dont les États-Unis, depuis la présidentielle contestée de 2018, entachée de fraudes.

PHOTOS ARIANA CUBILLOS ET MATIAS DELACROIX, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le chef de l'opposition Juan Guaido et son rival le président Nicolas Maduro.

Juan Guaidó dit n’avoir « aucun doute » qu’en cas d’élection avec « un minimum de crédibilité […] l’alternative démocratique gagnerait 80-20, 70-30 ».

« Un calendrier électoral » pour une présidentielle anticipant celle prévue en 2024 serait « une véritable issue à la crise » politique que traverse le pays. Cette question « fait partie du processus » de négociations qui s’ouvrira le 30 août entre pouvoir et opposition, dit-il.

Le dialogue préliminaire entamé il y a quinze jours au Mexique sous la médiation de la Norvège entend imposer au régime un nouveau calendrier électoral en échange de la levée des sanctions internationales.

Face à un refus catégorique, l’opposition peut encore engager l’année prochaine, à mi-mandat présidentiel, un référendum révocatoire.

« On peut appeler ça aussi une élection présidentielle, un référendum révocatoire serait une solution qui répondrait à la non-élection de 2018, un dû à tous les Vénézuéliens », ajoute-t-il.

« Garanties »

Rejetant les sondages qui montrent une popularité en berne, l’époque où il rassemblait des dizaines de milliers de personnes à travers le pays est révolue. La pandémie a fini par saper son pouvoir de mobilisation déjà érodé.

Sera-t-il le candidat de l’opposition ? « Nous aurons un candidat unitaire, un processus d’unité », répond-il laconiquement.

Juan Guaidó se montre cependant sceptique quant à sa participation aux élections des maires et gouverneurs en novembre, organisées par un nouveau Conseil national électoral (CNE) qui comporte deux membres de l’opposition.

« Il n’y a pas les conditions pour appeler l’évènement du 21 (novembre) une élection. Nous discutons (au Mexique) des garanties » possibles, dit-il.

S’il dit n’avoir « pas encore décidé » s’il votera, il n’a cependant pas appelé au boycottage contrairement aux élections précédentes.

Ces élections locales ont révélé des fissures dans l’opposition, dont plusieurs dirigeants ont rompu les rangs et commencé à faire campagne contre les candidats du parti au pouvoir.

La date limite de dépôt des candidatures est fixée à dimanche.

Reconnaissance des « urnes »

Juan Guaidó assure être en contact « constant » avec les États-Unis et même avec le gouvernement du démocrate Joe Biden qui, s’il a maintenu le soutien que lui avait apporté son prédécesseur Donald Trump, ne partage pas la stratégie du « tout ou rien ».

L’administration Trump avait accentué les sanctions internationales contre le régime vénézuélien, avec notamment un embargo pétrolier, pour contribuer à l’éviction de Nicolas Maduro.

Ces mesures punitives, impopulaires parmi la population, n’ont pas érodé le pouvoir du dirigeant chaviste (du nom de son prédécesseur Hugo Chavez, président de 1999 à 2013), qui bénéficie du soutien des forces armées, indispensable dans le pays, et d’alliés tels la Chine, la Russie et l’Iran.

Les États-Unis, le Canada et l’Union européenne ont salué la prochaine ouverture des négociations entre le gouvernement vénézuélien et l’opposition, assurant être « prêts à revoir (notre) politique de sanctions si le régime fait des progrès significatifs lors des pourparlers ».

« Pour ceux qui soutiennent Maduro, il n’y a pas de meilleure option qu’un accord » au Mexique « car il implique la levée progressive des sanctions », souligne M. Guaidó. Et un éventuel échec « aggravera la crise, il y aura plus de pression et plus de soutien international ».

Mi-août, Nicolas Maduro a appelé à un « dialogue direct » avec Washington, avec lequel les relations diplomatiques sont rompues depuis 2019 et la reconnaissance de Juan Guaidó comme président par intérim.

Le chef de l’opposition lance un « appel désespéré » et estime que « si le régime ou Maduro veut une sorte de reconnaissance ou de légitimité, c’est dans les urnes qu’il doit la gagner ».