(Quejá) Cinq petites galettes de maïs et un peu de fromage : voilà le repas d’un jour faste pour Orlando Chavez, 71 ans, habitant d’El Progreso (180 km au nord de Tegucigalpa), dans le nord-ouest du Honduras, dévasté en novembre par deux ouragans et où la pandémie a encore creusé la misère.

La masure de torchis d’Orlando est l’une des rares encore debout au milieu des décombres et des tôles laissées dans leur sillage par les cyclones Eta et Iota.  

À quelque 250 kilomètres de là, au Guatemala, l’autochtone maya German Cal Pop fait la visite de ce qui reste de son village de Quejá : de mémoire, il fait la liste des maisons ensevelies par un glissement de terrain, provoqué par les pluies diluviennes des ouragans.

Cinquante-et-un corps de villageois dont huit de la famille de German sont restés sous les tonnes de terre et de boue. Des messes sont célébrées à la mémoire des défunts sur la zone, déclarée cimetière.

Le village est désormais inhabitable et German a dû s’installer dans un bourg voisin où il survit grâce à l’aide du Programme Alimentaire Mondial (PAM).

« La pauvreté nous frappe très durement. Avant, oui, nous étions pauvres, mais nous mangions… Maintenant, avec cette tragédie, le village a été englouti et le problème s’est aggravé encore plus. Et la pandémie par dessus… deux coups durs la même année », déplore-t-il.

Selon l’ONU, quelque 10 millions de personnes ont besoin d’une aide d’urgence et à plus long terme au Honduras, au Guatemala et au Salvador, les trois pays qui forment le « Triangle Nord de l’Amérique centrale », soit 30 % de la population.

En proie déjà à la misère et à la violence des bandes criminelles, le « Triangle Nord » fournit depuis des décennies des cohortes de migrants en quête du rêve américain. La pandémie, le changement climatique et les cyclones sont autant de motivations supplémentaires à se jeter sur les routes vers le Nord en formant des caravanes de milliers de désespérés qui partent du Honduras.

À El Progreso, Orlando se lève à 5 heures du matin pour aller trimer avec ses petits-enfants dans les champs de palmiers à huile. Les plantations ont été inondées par les pluies diluviennes des deux ouragans de novembre et ce n’est qu’en mars que la récolte a pu reprendre.

« Parfois, je n’ai rien à manger de toute la journée », confie Orlando. Avec un salaire de 500 lempiras (25 dollars canadiens) pour cinq heures de travail en famille, Orlando peut à peine nourrir la maisonnée et la basse-cour à base de galettes de maïs.

Deux des fils d’Orlando ont déjà pris le chemin de l’exil. José, le premier à avoir tenté sa chance voici une dizaine d’années, a disparu. Emilio, lui, a réussi à gagner les États-Unis et envoie de l’aide.

Tout perdre « en 20 secondes »

Au Guatemala, German n’oubliera jamais le 5 novembre 2020 : la famille était en train de déjeuner lorsque le grondement du glissement de terrain a fait tout trembler. Echappant de justesse à la coulée de boue, il a pu fuir avec sa femme et ses deux fils.

« Je n’aurais jamais pensé que tout ce que nous avions construit en 20 ans allait être englouti en 20 secondes », se lamente Erwin Cal, un voisin de German, âgé de 32 ans.

Des champs de café, de maïs et de haricots dont vivait le village d’autochtones mayas poqomchi, il ne reste rien. Quant à ceux qui avaient un emploi dans la capitale, ils l’ont perdu à cause de la pandémie.

Réfugié comme German dans le village voisin de Chepenal, lui-même sous la menace de possibles glissements de terrain, Erwin ne veut pas perdre espoir : « On ne récupère pas le temps perdu… mais il faut tracer son chemin… c’est impossible que cela dure toujours ».