(Cité du Vatican) Le pape François a publié mercredi un plaidoyer très attendu sur l’Amazonie dans lequel il dénonce « l’injustice » et le « crime » semés par les entreprises qui dévastent ce territoire, sans retenir la demande controversée d’autoriser des autochtones mariés à devenir prêtres.

Dans une « exhortation apostolique » publiée mercredi, intitulée « Querida Amazonia » (Chère Amazonie), le pape livre un message qui se veut universel sous la forme de quatre « rêves » pour l’Amazonie. Au risque de décevoir, il ne mentionne aucune des propositions les plus concrètes et audacieuses formulées en octobre par une assemblée d’évêques venus des neuf pays d’Amazonie.

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Des représentants des peuples habitant la forêt pluviale amazonienne assistent à une messe célébrée par le pape François le 6 octobre 2019.

Après trois semaines de débats au Vatican, ils avaient demandé au pape d’envisager d’ouvrir la prêtrise aux hommes mariés, de relancer le débat pour des femmes diacres ou encore de définir la notion de « péché écologique ».

« Injustice et crime »

Dans son document, François a des accents passionnés pour dénoncer « les entreprises, nationales et internationales, qui détruisent l’Amazonie et ne respectent pas le droit des peuples autochtones ». « Les noms qui leur correspondent : injustice et crime », a-t-il ajouté.

« Le recours à des moyens éloignés de toute éthique est fréquent, comme le fait de sanctionner des protestations, y compris en ôtant la vie aux autochtones qui s’opposent aux projets », a-t-il déploré.

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Un camion chargé de bois traverse des coupes à blanc en Amazonie brésilienne, près du village de Boca do Acre, le 24 août 2019.

Les relations économiques deviennent « un instrument qui tue » lorsque « les autorités donnent un accès libre aux industries du bois, aux projets miniers et pétroliers, et à d’autres activités qui dévastent les forêts et polluent l’environnement », selon lui.

Le pape a rappelé que « la protection des personnes et des écosystèmes sont inséparables », une notion qu’il résume par l’expression d’écologie « intégrale ».

Dans son texte, truffé de références à des documents des églises locales amazoniennes mais aussi de nombreux poèmes, il s’approprie ce commentaire venant de Colombie : « Nous demandons que cessent les mauvais traitements et les destructions de la Mère terre (nom donné par les autochtones à la planète). La terre a du sang et elle saigne, les multinationales ont coupé les veines à notre Mère terre ».

Face à l’injustice, le pape François appelle en outre à « s’indigner » et « demander pardon » pour un « passé honteux » d’exactions contre les indigènes. Citant par exemple leurs souffrances à l’époque de l’exploitation du caoutchouc en Amazonie vénézuélienne.

Il faut « construire des » réseaux de solidarité et de développement «, plaide Jorge Bergoglio en appelant tout le monde à s’engager, y compris les dirigeants politiques.

Pas de prêtres mariés

Sur la question la plus controversée pour l’Église -permettre à des hommes pieux ayant une vie maritale stable de devenir prêtres-, le pape de 83 ans n’a pas modifié sa conviction profonde selon laquelle la prêtrise doit être un appel de Dieu, un « don » de soi.

Nommer des laïcs pour combler des problèmes d’effectifs ne rentrant pas dans sa logique, même s’il a encouragé un débat, le premier pape jésuite de l’histoire a préféré « exhorter tous les évêques, en particulier ceux de l’Amérique latine », à envoyer plus de missionnaires en Amazonie.  

L’Église y est confrontée à un manque criant de prêtres itinérants, les seuls en mesure de donner la communion, sacrement essentiel de la doctrine chrétienne.

François encourage néanmoins les laïcs, hommes et femmes, à travers des formations, à continuer à accomplir des services ecclésiaux cruciaux. Il a rendu hommage au rôle essentiel des femmes laïques pour transmettre la foi dans les communautés d’Amazonie. « Elles devraient pouvoir accéder à des fonctions, y compris des services ecclésiaux », écrit François, sans être plus spécifique.

La sortie controversée mi-janvier en France d’un livre fustigeant les conclusions du synode et défendant avec passion le célibat des prêtres, co-signé par le pape émérite Benoît XVI et le cardinal guinéen ultra-traditionaliste Robert Sarah, avait fait sensation, donnant l’impression d’une pression exercée sur le pape François. Mais le texte papal sur l’Amazonie a été finalisé fin décembre par le pape, avant donc la sortie du livre polémique, a pris soin de préciser le Vatican.

Dans son texte, le pape insiste sur la beauté des rites amazoniens avec leur « mystique d’admiration sacrée devant la nature », raillés durant le synode par certains traditionalistes catholiques. Un groupuscule avait même volé dans une église des statues amazoniennes sacrées pour les jeter dans le Tibre.

« Ne nous précipitons pas pour qualifier de superstition ou de paganisme certaines expressions religieuses qui surgissent de la vie des peuples », a-t-il prévenu. Cependant, la suggestion du synode d’un « rite » amazonien (officiellement reconnu par l’Église) est uniquement mentionnée dans une note de bas de page.