(Sao Paulo) Plages et bars bondés, mesures confuses des autorités pour éviter les rassemblements au Nouvel An, retard dans la vaccination : submergé depuis novembre par la deuxième vague de COVID-19, le Brésil risque de voir la situation davantage s’aggraver.

Dans ce pays de 212 millions d’habitants aux dimensions continentales, où le virus a déjà tué plus de 192 000 personnes, « le nombre de cas et de décès pourrait augmenter encore plus qu’au pire moment » de la première vague, prévient Luiz Gustavo de Almeida, microbiologiste de l’Université de Sao Paulo.

« Le pic de la pandémie a eu lieu en mai et juin, quand il y avait moins de circulation de la population parce que les gens faisaient plus attention. Mais à présent, beaucoup de personnes se comportent comme si la pandémie n’existait pas », ajoute-t-il.

L’été austral a déjà commencé, avec de fortes chaleurs et des plages souvent pleines de baigneurs.  

Ces derniers jours, de nombreuses vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent aussi des soirées archi-bondées, pleines de fêtards sans masques, dans toutes les régions du pays.  

Les chaînes d’informations ont même retransmis en direct des opérations policières pour fermer des bars recevant des dizaines de clients, notamment à Sao Paulo.

Dans cette mégalopole, la capitale économique du Brésil, les autorités ont ordonné la fermeture des commerces non essentiels du 1er au 3 janvier.

À Rio de Janeiro, où des millions de personnes se rassemblent d’habitude sur les plages pour accueillir la nouvelle année avec des feux d’artifices somptueux, la mairie a prévu d’installer des barrages policiers pour bloquer tous les accès au littoral la nuit du 31 décembre.  

Mais à Manaus (nord), les autorités ont fait machine arrière après des protestations de commerçants, et les rues du centre-ville étaient bondées au lendemain de Noël, alors que les hôpitaux sont proches de la saturation.

Dans cette ville nichée au cœur de l’Amazonie, le cimetière municipal est à nouveau débordé par l’augmentation des enterrements, avec des files d’attentes de véhicules transportant des cercueils à l’entrée. Des scènes cauchemardesques qui rappellent les pires moments de la première vague de la pandémie.

Comme l’été européen

Dans ce contexte, des rumeurs sur une fête géante du footballeur star Neymar avec des dizaines d’invités près de Rio suscitent l’indignation.

Pour Luiz Gustavo de Almeida, le Brésil risque de voir se produire « la même chose qu’en Europe à la fin de l’été », avec un relâchement qui a provoqué une forte augmentation des contaminations.

« Il faut éduquer les gens pour leur faire comprendre l’importance de la distanciation sociale, avec des informations transparentes », explique Natalia Pasternak, directrice de l’Institut Questao de Ciencia (Question de science).

Mais beaucoup de Brésiliens se montrent réticents face aux restrictions, un sentiment alimenté par l’attitude du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui n’a cessé de minimiser la pandémie.

« Je crois que les médias exagèrent parfois et que certaines autorités nous mentent. Ça dure déjà depuis trop longtemps, on ne peut pas tout arrêter à cause d’une maladie », déclare Maria Rocha, gérante d’une petite boutique de vêtements à Sao Paulo.

Retard sur les vaccins

Pour Julio Croda, infectiologue de la Fondation Oswaldo Cruz, le salut pourrait venir d’un vaccin, mais le Brésil est « très en retard ».

La date du début de campagne de vaccination n’a toujours pas été fixée, alors que l’Europe, les États-Unis et même des pays voisins comme le Chili ou l’Argentine ont déjà commencé à immuniser leur population.

Le gouvernement prévoit d’acheter 360 millions de doses, dont 210 millions du vaccin développé par l’Université d’Oxford avec le laboratoire AstraZeneca, qui seront pour la plupart fabriquées localement, par la Fondation Oswaldo Cruz.

Brasilia doit aussi acheter 70 millions de doses du vaccin américain-allemand Pfizer-BioNTech.

Mais aucun laboratoire n’a encore déposé de demande de certification à l’agence régulatrice Anvisa, étape indispensable pour donner le coup d’envoi de la campagne de vaccination.

« Pour vacciner la population, il faut la volonté politique, un plan efficace et des recours logistiques. Je n’ai rien vu de tout ça pour le moment », déplore Natalia Pasternak.