(Bogota) Rodrigo Londoño, le chef de l’ex-guérilla des FARC qui a signé la paix en Colombie, a déclaré mardi qu’il en était arrivé à « haïr » à son organisation pour les atrocités commises pendant cinq décennies de conflit.

Le leader de ce qui fut la guérilla la plus puissante du continent américain a réitéré les demandes d’excuses publiques formulées lundi pour les plus de 20 000 enlèvements perpétrés par l’organisation et les recrutements de mineurs dans ses rangs.

« L’enlèvement a été une très grave erreur dont nous ne pouvons que nous repentir », avait déclaré lundi dans un communiqué la direction de ce qui est maintenant un parti politique sous le nom de Force alternative révolutionnaire commune.

Il s’agissait de la demande de pardon la plus forte exprimée par l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) depuis qu’a été signé en 2016 un accord de paix avec le gouvernement colombien.

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Rodrigo Londoño, le chef de l’ex-guérilla des FARC, lors d’une conférence de presse tenue au tribunal spécial pour la paix, à Bogota, en 2019.

En écoutant les victimes et en reconnaissant la vérité sur ce qui s’est passé, « j’en viens à haïr la FARC que j’ai en face de moi et qui ne ressemble en rien à celle que j’ai rejoint », a déclaré lors d’une interview à la radio Rodrigo Londoño, alias « Timochenko ».

« Nous faisons notre introspection […] on intériorise les choses, c’est difficile quand on a défendu quelque chose pendant tant d’années, qu’on y a cru, et qu’il faut dire qu’on avait tort, que c’était mal », a admis le dirigeant.

Fondées en 1964, les FARC ont reconnu que « les enlèvements (….) ont blessé à mort » la « légitimité et la crédibilité » de son soulèvement armé contre l’État colombien et ont exprimé leurs regrets pour la « douleur » et les « humiliations » infligées aux victimes.

« Ce fardeau […] pèse aujourd’hui sur la conscience et le cœur de chacun d’entre nous », est-il ajouté dans le communiqué.

« Crimes sans justification »

L’ex-guérilla répond de ses actes devant un tribunal spécial pour la paix (JEP) créé par l’accord de paix qui a permis la démobilisation d’environ 13 000 rebelles des FARC, dont 7000 combattants.  

Les principaux chefs de l’ex-guérilla se sont engagés à avouer leurs crimes devant la JEP et à dédommager les victimes ou leurs familles, en échange de peines alternatives à la prison. S’ils ne tiennent pas leur engagement, ils seront traduits devant la justice ordinaire.

Timochenko s’est dit « frappé » par « la générosité des victimes » et a souligné que le poignant témoignage d’Ingrid Betancourt, lundi en visioconférence devant le JEP, a « influencé » son repentir.

La Franco-Colombienne, kidnappée par les FARC,  a témoigné sur les six années qu’elle a passées aux mains des rebelles.

« L’enlèvement n’a pas de date d’expiration, il ne se termine pas le jour de la libération. C’est un meurtre parce que la personne qui le subit, même si elle a la chance d’être libérée, est déjà quelqu’un d’autre lorsqu’elle sort de captivité », a déclaré l’ancienne candidate à la présidence, libérée lors d’une opération militaire en 2008.

L’ancienne rébellion doit aussi répondre du recrutement de milliers d’enfants et d’adolescents pendant plus d’un demi-siècle de conflit armé. Rodrigo Londoño a admis que ces enrôlements forcés ont été « une erreur ».

Le complexe conflit armé interne que vit la Colombie a fait plus de neuf millions de victimes (morts, disparus et déplacés internes), selon des chiffres officiels.

Le désarmement des FARC a permis de faire diminuer l’intensité du conflit, mais le pays reste confronté à la violence de l’Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla active, ainsi que des narcotrafiquants.