(Mexico) Le Mexique a rejeté vendredi toute possibilité d’intervention américaine armée contre les cartels de la drogue sur son territoire, tout en veillant à préserver sa relation privilégiée avec son puissant voisin du nord.

Cette prise de position intervient quelques jours après les propos du président américain Donald Trump assimilant les narcotrafiquants mexicains à des organisations terroristes, sans pour autant en expliciter les conséquences sur le terrain.

«Nous ne permettrons pas que des personnes armées opèrent sur notre territoire, des étrangers armés ne peuvent pas intervenir sur notre territoire», a déclaré le président Andres Manuel Lopez Obrador lors de sa conférence de presse quotidienne.

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Le président mexicain, Andres Manuel Lopez Obrador

Le président mexicain répondait à un journaliste qui lui demandait ce qu’il comptait faire après les intentions exprimées mardi par son homologue américain à la suite du récent massacre de trois femmes et six enfants, tous membres d’une communauté mormone américaine, dans le nord du Mexique.

«Souveraineté nationale»

Les familles des victimes avaient accusé directement les cartels d’avoir pris début novembre pour cible les Mormons, et le gouvernement de les avoir mal protégés, appelant les États-Unis à agir contre les cartels.  

«Ce que nous voulons, c’est maintenir de très bonnes relations avec les États-Unis bien que certains voudraient que nous nous disputions», a fait valoir M. Lopez Obrador qui avait pris soin de ne pas s’exprimer sur cette question durant les célébrations de Thanksgiving.

«Personnellement, j’ai de très bonnes relations avec le président Trump», a-t-il ajouté, en précisant que le chef de la Maison-Blanche lui avait proposé son aide.

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Des proches des Mormons tués le 6 novembre pendant les funérailles.

«Il m’a dit : “Pensez-y et si vous le souhaitez appelez-moi”. Je ne l’ai pas appelé», a poursuivi AMLO, l’acronyme du président mexicain.

Lors d’une entrevue au téléphone diffusée sur le site internet du journaliste conservateur Bill O’Reilly, Donald Trump s’était vu demander s’il entendait «désigner les cartels comme des groupes terroristes».

«Je vais les désigner oui, absolument. J’y travaille depuis 90 jours», avait-il expliqué à Bill O’Reilly, ancien présentateur vedette de Fox News et proche du président.

À la suite de ces propos, le chef de la diplomatie mexicaine Marcelo Ebrard avait parlé de «violation de la souveraineté nationale».

Un sentiment largement partagé au Mexique où une telle intervention pourrait même être perçue comme insultante vis-à-vis des Mexicains qui n’ont toujours pas accepté d’avoir perdu une large portion du territoire au profit des États-Unis en 1848, après la guerre qui avait déchiré les deux pays.

Calmer les esprits

Vendredi, AMLO a aussi tenté de calmer les esprits en jugeant peu probable que Washington se lance dans une opération armée au Mexique contre les cartels. «Il existe une grande coopération» entre les deux pays, a-t-il insisté.  

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Des soldats de la Garde Nationale surveillent la zone où s'est déroulée le Massacre de la famille de Mormons.

«Dans le cas hypothétique où une décision serait prise affectant, selon nous, notre souveraineté, nous agirions dans le cadre du droit international. Mais je considère ce scénario comme peu probable», a ajouté le président

Il s’est dit convaincu que le Mexique saurait démontrer aux États-Unis qu’il est capable de faire justice en punissant les responsables du récent massacre des Mormons.  

Dans ce contexte, le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, a annoncé que le ministre américain de la Justice Bill Barr serait à Mexico la semaine prochaine pour discuter de cette affaire.

Le mode opératoire des puissants cartels mexicains pourrait être confondu avec celui de groupes  terroristes : tirs en rafale dans la foule, attaques à la grenade, cadavres décapités et suspendus à des ponts, rues assiégées.     

Mais selon des experts, des organisations comme le cartel de Sinaloa ou Jalisco Nouvelle Génération, fonctionnent différemment et n’ont pas d’ambitions politiques ou religieuses – contrairement à Al Qaïda ou à l’organisation État islamique (EI) – et ne recherchent que le profit.

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Un autobus a été mis en feu lors d'affrontements entre la police et des partisans d'El Chapo, suite à l'arrestation de son fils Ovidio Guzman à Sinaloa en octobre.

«C’est la première et unique fois» que les États-Unis veulent assimiler une organisation criminelle à des groupes terroristes, explique Jorge Castaneda, ancien ministre des Affaires étrangères mexicain et universitaire.

«Ces organisations n’ont aucune composante politique», ajoute-t-il.

Avec environ 26 000 morts depuis le début de l’année au Mexique, un nouveau record de violence pourrait être battu en 2019.